Avec le Plan Nord, le premier ministre Jean Charest veut laisser un héritage politique en créant, autour du développement minier et énergétique de la partie septentrionale du territoire québécois, un élan collectif comparable à celui qui a accueilli la Manic ou la Baie-James.

Avec le Plan Nord, le premier ministre Jean Charest veut laisser un héritage politique en créant, autour du développement minier et énergétique de la partie septentrionale du territoire québécois, un élan collectif comparable à celui qui a accueilli la Manic ou la Baie-James.

La tâche sera plus difficile pour Jean Charest que pour René Lévesque ou Robert Bourassa. En partie parce que l'impopularité de Jean Charest amènera bien des gens à ne voir dans ce projet que ses efforts pour assurer sa survie politique. Mais surtout parce que le premier ministre devra affronter des obstacles que n'ont pas connus ses prédécesseurs. Certains tiennent à la nature de l'époque, d'autres à la nature du projet.

Il y a une grande différence entre 1960, 1980 et 2010. La société québécoise est plus polarisée, les consensus plus difficiles à atteindre. La médiatisation des débats publics donne aussi un poids énorme à ceux qui s'opposent à un grand projet. On en vient à oublier que le désaccord de certains groupes environnementaux ou l'absence d'entente avec une partie des autochtones sont des écueils normaux dans une aventure d'une telle complexité et non pas un signe annonciateur d'un échec.

La culture populiste qui domine maintenant le débat politique, comme on l'a vu aux élections fédérales, constitue un second obstacle. Dans un climat de méfiance de l'État, de la classe politique, des élites, le réflexe premier des citoyens, souvent simpliste, c'est de réclamer des mesures concrètes, simples, claires et immédiates.

Or le Plan Nord propose exactement le contraire. Il s'étale sur 25 ans, il est compliqué, il est flou. Et c'est ce qui fait sa beauté. Il ne s'agit pas d'une liste de cadeaux électoraux, mais d'un cadre conceptuel intégrant le développement énergétique et minier dans un tout, qui tient compte de l'environnement, du territoire, des besoins des populations - l'essence même du développement durable. Ce que Jean Charest a proposé, c'est une grille, une façon de faire les choses, un «work in progress» qui devra être précisé au fil des ans.

Le projet lui-même sera en outre difficile à vendre, parce qu'il repose en très grande partie sur le boom minier dont profite le Nord. Les besoins mondiaux sont considérables, les ressources du Québec sont fabuleuses, les milliards sont déjà là, et il y en aura d'autres. Mais si les Québécois aiment l'idée que l'on exploite l'or bleu, ils seront beaucoup moins à l'aise avec l'activité minière.

Dans notre inconscient collectif, les mines sont associées à l'exploitation, à la domination étrangère, à la spoliation de nos ressources. Et les Québécois, maintenant urbains, ne seront pas ravis de découvrir que l'un des piliers de leur développement économique sera l'extraction des ressources naturelles, une activité associée au sous-développement.

Les choses ont pourtant changé. Le cadre environnemental est radicalement différent. L'exploitation minière ne se fait plus comme autrefois. Les redevances sont plus importantes. Une nouvelle mouture de la loi sur les mines s'en vient. Mais le gouvernement Charest a le fardeau de la preuve de démontrer que ce développement sera réellement une source de richesse.

L'autre obstacle, c'est le Nord lui-même. Il y a du lyrisme dans le projet de Jean Charest, qui parle du Nord d'une façon qui veut manifestement s'adresser à notre imaginaire. Mais les Québécois ont largement tourné le dos au Nord, qu'ils n'intègrent pas spontanément dans leur définition implicite du territoire, qu'ils n'associent pas à leur identité. La fibre nordique, il va falloir la réinventer.

Il reste beaucoup de détails à peaufiner dans ce Plan Nord. Mais pour une fois, nous dépassons la culture de l'immédiat, nous regardons plus loin que le bout de notre nez.