Après s'être penchés sur l'éducation, François Legault et son groupe, la Coalition pour l'avenir du Québec, ont pondu la semaine dernière un document de réflexion sur la santé.

Après s'être penchés sur l'éducation, François Legault et son groupe, la Coalition pour l'avenir du Québec, ont pondu la semaine dernière un document de réflexion sur la santé.

C'est un texte qui laisse sur sa faim, tant sur la forme que sur le fond. Commençons par la forme. La démarche consiste à publier des documents de réflexion pour susciter un débat public non partisan et à remettre à plus tard le moment où l'on décidera comment cet exercice pourra s'articuler sur le terrain politique.

On ne peut certainement pas reprocher à un politicien de privilégier des débats d'idées. Mais c'est à la fois trop et pas assez. Le document est assez précis pour nous donner une bonne idée de ce que feraient M. Legault et ses partenaires s'ils se lançaient en politique active. Mais il est trop sommaire pour servir de base à un véritable débat sur la santé.

Des études, des rapports et des analyses sur la santé, il y en a eu pas mal. Assez pour que l'on sache assez bien quoi faire. Mais le défi, ce n'est pas d'avoir de bonnes idées - il y en a tout plein - mais de les faire accepter, de les mettre en oeuvre, d'obtenir des résultats. En évacuant le politique, on met de côté un élément central du dossier.

Quant au fond, on peut d'abord reprocher au document d'être incomplet. Rien sur l'enjeu central des soins de longue durée. Aucune réforme du côté des spécialistes et à peu près rien pour les hôpitaux quand ces deux postes comptent ensemble pour presque la moitié des dépenses.

Mais ce qui fait le plus tiquer, c'est le caractère souvent comptable de la démarche. On le retrouve dans la principale proposition du groupe, fort intéressante au demeurant, qui consiste à augmenter la rémunération des omnipraticiens mais en changeant sa philosophie, pour qu'une partie importante des paiements aux médecins de famille soit liée au nombre de patients qu'ils prennent en charge.

Même si on n'utilise pas le mot, il s'agirait d'introduire un élément de capitation dans la rémunération. C'est une tendance que l'on observe dans plusieurs pays industrialisés. Mais M. Legault est le premier politicien québécois à en parler. L'approche est prometteuse, comme incitatif pour prendre en charge plus de patients, pour encourager la formation de groupes de médecine familiale, pour réduire le poids de la rémunération à l'acte mal adaptée aux nouvelles pratiques.

Mais on ne peut pas prétendre, comme le fait le document, que cela fera disparaître le problème de pénurie. Le raisonnement est le suivant: s'il y a 8000 généralistes et que chacun prend en charge, grâce à la capitation, de 1000 à 1500 patients, le tour est joué, tout le monde a son docteur. Cette logique de règle de trois ne marchera pas.

D'une part, parce que, malgré des années d'efforts, il n'y a que 220 GMF, regroupant environ le quart des médecins, notamment en raison des résistances des médecins qui travaillent en cabinet privé. Les politiques de rémunération pourront accélérer le mouvement, mais il est naïf de croire qu'en quelques années, on pourra transformer radicalement les habitudes de pratique. Ou encore qu'on fera disparaître le phénomène du temps partiel. Et c'est oublier qu'un grand nombre d'omnis qui n'ont pas la liste de patients souhaitée jouent un rôle nécessaire ailleurs dans le réseau.

Cette approche comptable, on la retrouve dans l'idée de réduire substantiellement les honoraires des pharmaciens tout en voulant leur faire jouer un rôle accru, ou dans le désir d'éliminer les agences régionales sans prévoir d'alternative pour les tâches de planification. Les règles de trois peuvent sembler simples et attrayantes sur papier, mais elles sont souvent d'application difficile sur le terrain.