Ça fait des années et des années que bien des gens dénoncent les limites du produit intérieur brut comme mesure du succès et du bonheur d'une société. Cette donnée macro-économique, trop générale et assez grossière, ne tient pas compte d'une foule de facteurs, à commencer par les inégalités de revenu.

Ça fait des années et des années que bien des gens dénoncent les limites du produit intérieur brut comme mesure du succès et du bonheur d'une société. Cette donnée macro-économique, trop générale et assez grossière, ne tient pas compte d'une foule de facteurs, à commencer par les inégalités de revenu.

Ces critiques provenaient de mouvements militants, souvent opposés à notre modèle économique, pour qui l'argent ne fait pas le bonheur, et qui voulaient un peu naïvement remplacer le PIB par le Bonheur national. Cette réflexion a aussi mené à des travaux plus austères d'économistes et à des initiatives politiques, comme celle du président français Nicolas Sarkozy, qui a commandé au prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz, un rapport sur la question.

C'est dans le sillage de cette réflexion que l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, pour fêter son 50e anniversaire, a lancé cette semaine un indice, baptisé «Vivre mieux», qui ne mesure pas le bonheur, insaisissable, mais plus modestement le bien-être.

Un tel exercice est bienvenu, parce que le PIB a de grosses lacunes. On le voit avec Terre-Neuve qui, grâce à sa production pétrolière, a vu son PIB par personne se gonfler, ce qui l'a propulsée au 20e rang des économies les plus riches d'Amérique du Nord, bien devant l'Ontario. Et pourtant, cette richesse sur papier ne se traduit pas en prospérité pour les Terre-Neuviens. À l'inverse, le Québec, avec un PIB relativement bas, réussit, avec des services et des politiques de redistribution, à obtenir une qualité de vie enviable.

La difficulté de ces nouvelles approches, c'est d'abord de définir le bien-être. Ensuite de trouver des données fiables qui permettront de mesurer et de comparer les sociétés entre elles. L'indice de l'OCDE comporte 11 catégories. Certaines mesurent le bien-être matériel - revenu, emploi, logement- d'autres la qualité de vie - santé, éducation, environnement, gouvernance, sécurité, conciliation travail-famille, réseaux communautaires. On ajoute une autre mesure, subjective, le sentiment de bien-être.

Cette démarche va beaucoup plus loin que l'Indice du développement humain, du Programme des Nations unies pour le développement, où le Canada trônait au premier rang, mais qui était conçu pour mesurer les progrès des pays en voie de développement.

Et qui se classe au premier rang? L'OCDE prend un grand soin à ne pas fournir de classement, notamment parce que le rang ne dépend pas seulement des résultats obtenus pour chaque catégorie, mais aussi de l'importance que l'on accorde à chacune d'entre elles. L'OCDE va même jusqu'à proposer un outil qui permet à chaque personne de calculer son indice de bien-être personnel, en appliquant ses propres pondérations.

Même si l'organisme ne fait pas le classement, tous les curieux peuvent y parvenir en jouant eux-mêmes avec les chiffres. Et le résultat? Le Canada est en tête avec l'Australie, pas loin devant les trois pays scandinaves, Suède, Danemark et Norvège. Parce qu'il score bien pour la santé, l'éducation, la sécurité, les réseaux sociaux, quoiqu'il tire de l'arrière pour la participation électorale ou la conciliation travail-famille. Et les Canadiens sont en tête, juste derrière les Danois, pour la mesure subjective, leur sentiment de bien-être.

Est-ce que ces mesures, qui se raffineront au fil des mois, mettront fin au règne du PIB ? Sans doute pas, parce que le PIB garde son utilité, celle de mesurer la performance et la richesse: la grosseur de la tarte. N'oublions pas que la plupart des éléments qui composent cet indice de bien-être dépendent des ressources individuelles et collectives dont les pays disposent. Les pays riches sont en tête de peloton, et les pays pauvres, à la queue. En ce sens, oui, l'argent fait le bonheur.