Lorsque vous revenez d'un voyage à l'étranger, avez-vous remarqué que le douanier qui vous accueillera à votre sortie de l'avion, pour vous poser quelques questions sur vos achats, porte une veste pare-balles?

Lorsque vous revenez d'un voyage à l'étranger, avez-vous remarqué que le douanier qui vous accueillera à votre sortie de l'avion, pour vous poser quelques questions sur vos achats, porte une veste pare-balles?

Vous êtes-vous arrêtés quelques secondes pour réfléchir à l'incongruité de la chose? La fatigue du voyage, le décalage horaire, le stress qu'imposent les contrôles douaniers, même aux citoyens honnêtes, ne prédisposent pas à s'intéresser au fonctionnement de l'Agence des services frontaliers du Canada.

Mais quand on y pense, la zone des arrivées d'un aéroport international est, par définition, un endroit où il n'y a pas d'armes à feu, parce que les passagers ont été soumis à d'intenses contrôles à l'embarquement. C'est donc l'un des endroits au monde où un gilet pare-balles est le plus inutile. En fait, les seules balles qui menacent un douanier dans un aéroport, ce sont des balles de golf.

Pourquoi alors, les agents de l'ASFC portent-ils l'inconfortable veste? Ça n'a absolument rien à voir avec des questions de sécurité. Voilà plutôt un bel exemple d'une logique d'inertie bureaucratique, avec son engrenage implacable qui mène nos gouvernements à gaspiller des centaines de millions.

Au départ, les policiers ont commencé à utiliser des gilets pare-balles pour leur sécurité. L'usage s'est ensuite étendu aux autres métiers liés au maintien de l'ordre, comme les douaniers, ou les agents du ministère des Transports. Je ne sais même pas si le port de cette veste a été d'une quelconque utilité pour les policiers. Mais pour les autres? Les camionneurs sont-ils armés? Les douaniers essuient-ils beaucoup de coups de feu?

Mais la question n'est pas là. La veste pare-balles confère un statut, comme le ceinturon alourdi par une foule d'accessoires. Elle permet de projeter l'image d'un agent de la paix plutôt que celle d'un percepteur de taxes. Voilà pourquoi on tient à la porter, même dans les endroits où cela est franchement absurde.

Cette même question du statut a aussi joué un rôle énorme dans la bataille menée par le syndicat représentant les douaniers pour armer les 4800 agents des postes frontaliers terrestres. Leurs berettas jouent largement un rôle symbolique, pour l'estime de soi et le sentiment de sécurité des douaniers, pour l'image d'un gouvernement qui fait de la sécurité l'un de ses chevaux de bataille. Mais est-ce que nos douaniers sont mieux protégés? Est-ce que nos frontières sont plus étanches? Posons-nous la question, parce que cette opération a coûté 700 millions de dollars!

Mais l'engrenage ne s'arrête pas là. La même logique pousse les 1200 douaniers des aéroports à vouloir, eux aussi, leur arme de poing. Qui ne servira strictement à rien. Pourquoi? Leur syndicat évoque le risque posé par des réactions agressives lors des fouilles. Comme si l'utilisation d'une arme à feu dans un lieu confiné était une solution intelligente. L'Agence a commandé une étude sur le sujet. Une initiative, par définition inutile, qui coûterait un autre 170 millions.

Je comprends le malaise de nos douaniers. Leur principale activité aux postes-frontière, c'est de vérifier si nous avons dépassé la franchise d'achats à l'étranger, à demander, 90 millions de fois par année, si on ramène de l'alcool ou du tabac. Une fonction de perception fiscale désuète, remarquablement inefficace, et peu valorisante. Et qui irrite à juste titre les citoyens qui font la queue quand ils reviennent au Canada.

Comment revaloriser le rôle des douaniers? Pas en les déguisant en policiers, mais en transformant leur fonction. D'abord réduire les contrôles de type fiscal pour les simples citoyens canadiens - notamment en augmentant les plafonds d'achats permis. Ensuite, redéployer les ressources là où les intérêts et la sécurité du pays sont en jeu - les armes, la drogue, les matières dangereuses, les contrôles d'immigration.