Le Nouveau Mouvement pour le Québec, qui regroupe des dissidents du Parti québécois, publiait hier un manifeste très critique envers le parti maintenant dirigé par Pauline Marois, sa sclérose et sa stratégie de gouvernance souverainiste.

Est-ce qu'un tel mouvement changera quelque chose aux équilibres politiques? Probablement pas, parce l'impasse que veulent briser les 77 signataires de ce manifeste ne vient pas du PQ, elle vient de l'option elle-même.

Le manifeste commence avec un constat que je partage. «La crise que traverse le mouvement souverainiste n'est pas banale. Elle cristallise la fin d'une époque et le début d'une nouvelle.» Reste à définir cette «époque nouvelle». Jusqu'ici, elle se caractérise plutôt par l'effondrement de l'option. Le nouvel élan pour la souveraineté n'existe pas. Il est à bâtir. Et on voit mal comment une initiative comme celle-là pourrait y contribuer, ne serait-ce que parce que ce manifeste comporte des erreurs d'analyse et de stratégie qui compromettent son succès.

La première erreur se révèle involontairement dans un passage particulièrement agaçant du manifeste du NMQ. «Et voilà que, tout à coup, tout s'ouvre. Les Québécois se remettent au travail. Ici, ils veulent créer un groupe de travail, là un mouvement, ailleurs un parti. Dispersés mais actifs, ils partagent le même souci: redonner une voix aux indépendantistes et les regrouper.»

La formulation laisse entendre que seuls les indépendantistes sont des Québécois, ou encore que tous les Québécois sont indépendantistes. C'est blessant pour tous les Québécois qui ne sont pas indépendantistes. Mais surtout, c'est une façon d'occulter le fait que la majorité des Québécois ne partagent pas cet objectif. Ça, c'est une grave erreur.

Elle mène à une seconde erreur. La stratégie proposée par le NMQ, pour donner des ailes à l'option, c'est de repartir à zéro, de partir de la base. Pour y parvenir, on propose «d'organiser partout à travers ce beau territoire qui est le nôtre des assemblées constituantes ayant un caractère officiel et de remettre à tous les citoyens le véritable crayon du pays».

La phrase est belle, mais incroyablement vaseuse. Les assemblées constituantes risquent fort d'être des machines à parlotte qui attireront essentiellement ceux que ces choses passionnent, les militants souverainistes convaincus, et feront bailler d'ennui une majorité de Québécois.

La stratégie contient une troisième erreur. Les palabres régionaux et leurs conclusions ont pour but d'inverser la démarche, de ne pas reposer sur des demandes, mais plutôt sur une «offre nationale». Les résultats des assemblées constituantes mèneraient à un projet adopté par l'Assemblée nationale, qui mènerait à une loi constitutionnelle qui établirait la primauté de la constitution québécoise.

L'approche a le même défaut que les stratégies souverainistes antérieures, la souveraineté-association et la souveraineté partenariat. Elle essaie de masquer le fait que le projet de création d'un pays comporte inévitablement un élément de rupture. Or, c'est ce refus de la rupture qui explique en bonne partie la faible adhésion des Québécois.

Ce manifeste, généreux et naïf, séduira surtout des militants. Il y a une clientèle, au sein du mouvement souverainiste, pour les grands élans lyriques. Le premier résultat, ce serait donc un rééquilibrage au sein du mouvement souverainiste, une division des forces dont l'effet le plus évident serait d'affaiblir le PQ.

Mais on arrive mal à voir en quoi cet effort de renouvellement du discours souverainiste parviendra à convaincre des non convaincus et à résoudre le grand problème du mouvement souverainiste, obtenir un jour une majorité. En fin de compte, les grands gagnants de cette initiative risquent davantage d'être les libéraux de Jean Charest ou le mouvement de François Legault.