Un grand nombre de Canadiens et de Québécois auront l'impression d'avoir perdu un ami avec la disparition de Jack Layton. Cet homme engageant, souriant, avait la capacité de créer des liens avec les citoyens. C'était le politicien avec qui les gens auraient voulu prendre une bière ou partager un repas.

Mais on ne peut pas résumer l'homme disparu, tôt hier matin, au seul fait qu'il ait été sympathique. Ce ne serait pas rendre justice à celui qui a dirigé le Nouveau Parti démocratique et qui était devenu le chef de l'opposition officielle d'expliquer ses succès par sa seule gentillesse.

La véritable force de Jack Layton, ce sont toutes les qualités qui lui ont permis de faire de la politique autrement. Ce sont sa sincérité, la cohérence entre ses convictions et son action, son élégance dans les débats publics, son refus de la mesquinerie de la politique partisane, son idéalisme teinté de réalisme qui lui ont permis, peut-être plus que son sourire, d'établir un lien de confiance avec les gens. En ce sens, sa carrière à la tête du NPD a mené à deux victoires.

La première, politique, c'est d'avoir transformé le parti qu'il dirigeait, de l'avoir modernisé, de l'avoir sorti de sa marginalité, pour le propulser et en faire l'opposition officielle, grâce entre autres à sa capacité à briser le mur de l'indifférence des Québécois.

La seconde, sociétale, qui profite à tous, peu importe leurs convictions, c'est d'avoir contribué, par ses façons de faire, à réduire la méfiance que ressentent trop de citoyens à l'égard des politiciens, à baisser de quelques crans le cynisme, à redonner ses lettres de noblesse aux vertus de la chose publique.

À un autre niveau, beaucoup plus personnel, Jack Layton, dans son combat contre les multiples attaques d'un cancer qui l'a finalement terrassé, a été un modèle d'optimisme, de courage et de détermination. Il a poursuivi son action politique jusqu'au bout, malgré les progrès de la maladie. C'est là un message beau et fort pour tous ceux qui mènent le même combat. Et pour tous ceux qui pourraient être confrontés à cette terrible maladie, c'est-à-dire nous tous.

Il est évidemment trop tôt pour faire un bilan de sa carrière et surtout mesurer les répercussions de sa remarquable victoire électorale du printemps dernier. En enant le NPD au statut d'opposition officielle, en réussissant une percée au Québec, Jack Layton a réalisé l'impossible et écrit une page d'histoire.

On sait déjà que ce tour de force a modifié de façon importante les équilibres politiques au Canada. Ce qui est moins clair, c'est si cet impact sera durable, surtout maintenant qu'il a disparu. Car la victoire du NPD, particulièrement au Québec, reposait largement sur la personne de Jack Layton, bien plus que sur le programme du parti ou de son équipe.

Je dois dire qu'à cet égard, je ressens un certain malaise. Plusieurs indices laissaient croire, pendant la campagne, que M. Layton était malade et que son combat contre le cancer n'était pas terminé. Il lui fallait certainement un grand courage pour poursuivre ainsi son action politique. Mais était-il sage de solliciter un mandat qu'il risquait de ne pas pouvoir remplir?

Le vide que laisse Jack Layton sera difficile à combler. D'abord pour les néo-démocrates, qui devront lui trouver un successeur capable de maintenir l'unité du parti et de conserver l'élan des derniers mois.

Mais il y a un autre vide qu'il faudra combler, qui touche l'ensemble du monde politique, toutes couleurs confondues, pour prendre le relais de Jack Layton et faire de la politique autrement, pour rétablir le lien de confiance entre nos hommes et femmes politiques et la population dans son ensemble.