L'explosion de l'activité minière et les perspectives ouvertes par le Plan Nord ont créé des inquiétudes chez les Québécois, encore marqués par la dérive duplessiste. Est-ce qu'on se fait avoir? Est-ce qu'on brade nos ressources? Dans le collimateur: le gouvernement Charest, accusé de toutes parts de ne pas aller chercher notre juste part.

Tout le monde est d'accord sur le fond. Il s'agit de ressources non renouvelables, dont l'extraction, le plus souvent par des entreprises étrangères, comporte des coûts environnementaux importants. Pour que cette activité soit acceptable, il faut que le Québec retire le maximum de bénéfices, en emplois, en retombées économiques, en partage des profits.

Mais c'est quoi le maximum? Le ministre des Finances, Raymond Bachand, veut convaincre les Québécois que la hausse des redevances de 12 à 16%, ainsi qu'une révision du régime fiscal pour entre autres imposer une comptabilité mine par mine, a permis au Québec de l'atteindre.

Les chiffres sont impressionnants. Au lieu de 18 millions de dollars, comme il y a 10 ans, ou de 36 millions comme il y a 5 ans, le Québec a récolté 302 millions l'an dernier, le double de ce qui était prévu. On prévoit percevoir 365 millions par an dans les années qui viennent pour un total net de 1,8 milliard sur cinq ans. Quelque 4,2 milliards en tenant compte des retombées des activités minières.

C'est un revirement majeur. Mais peut-on faire plus? Il faut se rappeler que l'industrie minière est internationale. Elle ira là où les conditions sont les meilleures, en matière de coûts d'extraction, de main-d'oeuvre, de climat politique, de fiscalité, qui est une autre forme de coût. Il y a là un jeu de chicken, où les gouvernements cherchent à aller le plus loin possible sans que l'élastique casse et que les minières aillent ailleurs.

Une étude du gouvernement fédéral tout comme celle de PriceWaterhouse montrent qu'avec des impôts totaux sur les profits qui atteignent maintenant 40%, le Québec est devenu plus gourmand que les provinces qui sont ses principales concurrentes. Une étude de Grant Thornton International estime qu'un taux de 50% est une limite, en tenant cependant compte de tous les prélèvements fiscaux, ce dont le Québec n'est pas loin. D'autres disent au contraire qu'on pourrait aller plus loin. Bref, ce n'est pas simple.

Ce dont on est certains, toutefois, c'est qu'entre le quasi-zéro qu'il obtenait autrefois et le maximum idéal, le Québec est maintenant pas mal proche du maximum. Le gros du chemin est fait, et le Québec ne peut espérer aller chercher des fortunes de plus. Il y aurait une certaine sagesse à digérer ce pas de géant. Mais cela ne doit pas exclure les efforts pour pousser la réflexion, regarder ce qui se fait ailleurs, analyser d'autres formes de fiscalité. Mais ça devient un débat pointu de fiscalité minière, qui doit se faire à tête reposée.

Mais au Québec, c'est devenu un débat militant, et émotif, ce qui peut s'expliquer en partie avec le fiasco des redevances pour l'exploration des gaz de schiste qui a mis à mal la crédibilité du gouvernement. Un débat où l'opposition du Parti québécois dramatise les enjeux d'une façon qui exclut une discussion adulte, comme c'est souvent le cas depuis que Pauline Marois en a pris la direction. Celle-ci ne propose rien de moins que de doubler les redevances, une idée, restons polis, qui laisse perplexe.

Le plus ironique, c'est que Mme Marois, qui accuse les libéraux de brader les ressources, était l'une des ministres des Finances qui se contentaient de miettes: 16 millions en 2002, 14 millions en 2003. Cela justifierait, à tout le moins, un peu de retenue dans l'hyperbole.