Les chroniqueurs reçoivent une foule de communiqués de presse qu'ils ne lisent pas toujours. Mais samedi midi, ma curiosité a été piquée par un titre étonnant: «Les Québécois recherchent des appuis internationaux à la fête de l'Humanité.»

Il faut savoir que la fête de l'Humanité, c'est la grosse célébration organisée chaque automne par le Parti communiste français. Le PCF, traditionnellement aligné à l'Union soviétique, est en chute libre depuis la chute du mur de Berlin. C'est maintenant un parti marginal, avec à peine 1,93% des voix à la dernière présidentielle, mais qui joue toujours un rôle dans le syndicalisme ou dans divers fronts de gauche. Sa fête, toutefois, reste populaire. Mais ce n'est pas vraiment le coeur de la politique française.

Il n'y avait bien sûr rien d'étonnant à ce que le Parti communiste du Québec, comme l'annonçait le communiqué qui a piqué ma curiosité, forme une délégation pour participer aux agapes du grand frère français. Mais ça n'intéresse personne. Le PCQ, lui aussi ébranlé par la perestroïka, est devenu un groupuscule.

Ce qui était intéressant, toutefois, c'était la délégation de notre parti communiste: le réseau de résistance du Québécois, le Mouvement Québec français, la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal, et donc aussi celui qui préside ces deux derniers organismes, M. Mario Beaulieu.

On se pose la question. Pourquoi une vieille institution comme la SSJBM, à qui le gouvernement confie des fonds publics pour organiser la Fête nationale, s'associe-t-elle à un groupuscule communiste? Qu'est-ce qu'un ancien poids lourd du PQ, pris au sérieux par les médias, sollicité à toutes les tribunes pour commenter les questions linguistiques, peut bien faire d'utile en allant à la fête de l'Huma?

La réponse officielle: dénoncer, comme il l'a récemment fait au Val d'Aoste, «l'assimilation des francophones par le Canada anglais», déclarer «Français, les Québécois ont besoin de votre appui», faire signer une pétition d'appuis internationaux «dans le combat du Québec pour la protection du français».

Est-ce qu'on croit vraiment qu'une pétition signée par des militants communistes français un peu sur le party va donner un gros coup de pouce à la situation du français au Québec? Ou que Brigitte Bardot délaissera les bébés phoques pour cette cause plus noble? Peu importe où on se situe dans le débat linguistique, l'appui des communistes français n'est certainement pas une avenue prioritaire. Toute cette aventure, soyons polis, a un petit côté désespérément «pic-pic».

Comment interpréter cette étrange croisade? Deux hypothèses viennent à l'esprit. La première, peu charitable, repose sur l'attrait bien connu des voyages. La seconde, plus troublante, subodore une espèce de dynamique militante de perte de contact avec la réalité, de stratégies élaborées en vase clos où on oublie un peu le vrai monde et les vraies affaires. Où l'important est de faire des gestes, même s'ils sont inutiles et ridicules.

Il faut y voir une manifestation du processus de groupuscularisation aux franges du mouvement souverainiste. Ce processus peut prendre d'autres formes, comme l'enthousiasme des démissionnaires du PQ pour la fondation de nouveaux partis.

Mais ces égarements ne sont pas seulement pittoresques. Ils ont une conséquence qui nous touche tous, parce que ces groupes qui sont manifestement, comme le montre leur aventure communiste, dans un processus de marginalisation et de radicalisation jouent un rôle important dans le débat linguistique.

Il est clair que des visions opposées s'affrontent dans ce débat difficile et émotif. Mais il n'est dans l'intérêt de personne, que l'on soit inquiet ou optimiste en ce qui a trait à l'avenir du français, que ce débat soit pris en otage.