Louise Harel, la chef de l'opposition à l'hôtel de ville, a dénoncé le fait que Montréal comptait trop d'élus, 103, quand il n'y en a que 45 à Toronto, une fois et demie plus populeuse. Elle a bien raison. Mais elle a également tort, en ce sens qu'il n'y a pas 103 élus à Montréal, mais bien 207!    

Les structures démocratiques et administratives de la ville, de l'île et de la région de Montréal sont une aberration. Voici un petit guide, en chiffres et en lettres, pour s'y retrouver et pour mieux s'indigner.

1. D'abord un maire, Gérald Tremblay. Mais c'est un chiffre théorique, parce M. Tremblay n'est pas seul et qu'il n'est pas le seul maître à bord.

18. M. Tremblay doit d'abord partager son titre avec les maires de 18 des 19 arrondissements de la ville - M. Tremblay étant également maire de celui de Ville-Marie. L'arrondissement est un concept nouveau au Québec, une structure laissant assez de pouvoir aux anciennes villes, comme Outremont ou Saint-Laurent, pour qu'elles acceptent la fusion avec Montréal. Dans un sursaut d'uniformité, on a étendu ces mêmes pouvoirs aux quartiers traditionnels de Montréal, en les regroupant parfois de façon fantaisiste. Cela a favorisé l'affaiblissement du pouvoir central et la naissance de potentats locaux, comme le maire du Plateau, Luc Ferrandez.

34. Le vrai nombre de maires, c'est cependant 34, parce qu'il faut ajouter les édiles des 15 municipalités qui ont choisi de se défusionner (Westmount, Montréal-Est, etc.)

103. Pour la ville de Montréal, en additionnant les maires et les 84 conseillers municipaux, on arrive au total de 103 élus de Mme Harel. Il faut préciser qu'il y a deux sortes de conseillers; 46 qui siègent à la fois à leur conseil d'arrondissement et au conseil municipal, et 34 qui ne siègent qu'à l'arrondissement. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?

207. Mais le véritable nombre d'élus sur l'île, si on veut comparer avec Toronto, c'est 207, en ajoutant les maires et les 89 conseillers des villes dites « reconstituées ».

CM. Ce qui nous amène aux lettres. Les décisions qui touchent la ville de Montréal se prennent au conseil exécutif et au conseil municipal.

CA. Mais pour les enjeux concernant l'ensemble de l'île - sécurité, pompiers, transports, artères, évaluation foncière - les élus de la ville et des villes reconstituées se rencontrent dans le conseil d'agglomération, où Montréal est majoritaire.

MLRS. Il faut évidemment une autre structure de coordination pour le noyau urbain - Montréal, Laval, les villes limitrophes de la Rive-Sud - où s'exercent les plus importantes interactions. Cette structure, qu'on pourrait appeler la MLRS, n'existe pas!

CMM. Ce qui existe plutôt, c'est la Communauté métropolitaine de Montréal, qui regroupe 84 municipalités de la grande zone métropolitaine, jusqu'aux frontières de St-Jérôme et de St-Hubert - 40% de la population et de l'économie du Québec. On y traite de transport, d'aménagement. Mais la zone, en bonne partie agricole, est hétérogène. Les chocs culturels et les fiefs la rendent peu fonctionnelle.

5. Un dernier chiffre, selon moi le plus important. Le territoire métropolitain chevauche cinq régions administratives du Québec. L'île de Montréal est une région en soi, celle de Laval aussi. Mais la couronne Nord appartient à la région des Laurentides, la Rive-Sud à la Montérégie, les zones à l'est de l'île à Lanaudière. Cela favorise l'éclatement. J'en reparlerai davantage la semaine prochaine.

Résumons. Il y a trop d'élus. Mais ce qui est plus inquiétant, c'est l'éclatement du pouvoir. Le maire de Montréal ne dirige pas vraiment sa ville, et encore moins son île. La métropole, au plan administratif, n'existe pas. Et surtout, elle n'a pas de chef.