Et c'est reparti. Selon un rituel bien connu, les étudiants seront dans la rue demain pour dénoncer les hausses des droits de scolarité annoncées par le gouvernement Charest.

Je ne veux pas banaliser l'enjeu soulevé par ce mouvement. Les hausses annoncées par le gouvernement Charest sont salées : 325$ par année pendant cinq ans. Les droits annuels, actuellement de 2168$, passeront à 3793$ en 2016-2017, une hausse de 75% qui, soit dit en passant, les ramènera à leur niveau réel de 1968. Cela exigera un effort additionnel des étudiants ou de leurs familles, cela augmentera leur endettement.

Cette hausse soulève deux questions liées à l'équité. Est-il juste de demander aux étudiants de contribuer davantage au financement des universités, ou devrait-on plutôt demander cet effort à d'autres - l'ensemble des contribuables ou encore les entreprises?

La deuxième question, infiniment plus importante, c'est de savoir si ces hausses restreindront l'accès à l'université pour les jeunes de milieux moins favorisés. Ces questions sont loin d'être insignifiantes. Ce sont les réponses habituelles qui le sont.

Mais commençons par utiliser les vrais chiffres. Les étudiants et leurs familles ont droit à une panoplie de crédits et d'avantages fiscaux. Il faut en tenir compte dans ce débat. En 2016-2017, les droits seront de 3793$, mais le déboursé réel, grâce à ces mesures fiscales, sera plutôt de 2160$, presque deux fois moins. Pour un diplôme de baccalauréat de trois ans, la facture additionnelle sera d'environ 2500$.

Et que rapportera ce diplôme plus coûteux? Le gouvernement Charest a dû demander un avis Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études, le CCAEF, qui lui a remis une réponse fouillée de 90 pages. On y apprend entre autres que l'écart de revenu entre un Québécois détenant un bsc et un diplômé du secondaire variera entre 628 000$ et 875 000$. Cet écart énorme nous rappelle que si l'éducation est un bien collectif, elle assure des gains individuels considérables qui justifient que les bénéficiaires paient une partie de la note.

Le problème de l'accès des jeunes de milieu moins favorisé est plus complexe. On sait cependant que les questions financières ne sont pas le plus important obstacle à leur entrée à l'université. On le voit bien au Québec où le gel des frais n'a pas permis de progrès en termes d'équité. Ou encore au fait que les frais beaucoup plus bas au Québec qu'ailleurs au Canada ne nous a pas permis de faire mieux. Des nombreuses études montrent que le principal obstacle à l'accès, ce sont les notes scolaires avant l'université. Et l'autre, la non-valorisation des études dans le milieu familial.

Une hausse des frais peut néanmoins avoir un impact négatif, même si ce n'est pas le principal élément. De combien? L'avis du CCAEF cite une chercheure selon qui une hausse subite des frais pourrait provoquer une baisse de fréquentation de 2,5%, soit 7000 personnes. Mais comme la hausse n'est pas subite, qu'elle est assortie de mesures d'atténuation importantes, notamment pour les plus pauvres, les étudiants potentiellement affectés seront beaucoup moins nombreux. Plus probablement autour de 1%, soit 3000 personnes. Ce qui est déjà trop.

Comment éviter ce risque? En mettant le paquet pour aider ces quelques milliers de jeunes plus vulnérables. Et en recentrant le débat. La solution aux inégalités sociales en éducation, ce n'est pas un gel des droits de scolarité, mais des efforts en amont, pour valoriser les études et favoriser la réussite scolaire.

Les associations étudiantes, et les syndicats qui les appuient, proposent, pour aider ce 1%, ces quelque 3000 personnes, de plutôt faire un cadeau aux autres 99%, dont la majorité n'en a pas besoin. Est-ce de la solidarité? Non. Plutôt du corporatisme primaire, du banal pas-dans-ma-cour primaire.