Après la Grèce, les marchés financiers ont braqué leurs projecteurs - ou plutôt leurs bazookas - sur l'Italie. La crise de confiance est telle que les taux d'intérêt sur les obligations italiennes sont passés de 4 à 7,5%, assez pour étrangler le pays.

Mais est-ce que l'Italie mérite ce qui lui arrive? Pas vraiment. Il n'y a aucune commune mesure entre le cas italien et le cas grec. L'Italie n'est pas en faillite technique, n'est pas paralysée par une crise sociale. Elle est relativement bien gérée, malgré les frasques de son pathétique premier ministre, Silvio Berlusconi. Aucun élément nouveau non plus dans la situation interne italienne qui justifierait que l'on panique maintenant quand on ne le faisait pas il y a un an. En fait, il n'y a pas de crise italienne.

La crise de confiance des marchés envers l'Italie reflète davantage les effets pervers de la domination des marchés financiers, la vulnérabilité de ceux-ci à l'endettement excessif et à ses conséquences en cascade, et les impacts dévastateurs de la spéculation qui transforme les situations difficiles en situations insolubles.

L'Italie n'est évidemment pas un modèle. C'est l'un des pays du G20 les plus endettés, avec une dette publique équivalant à 121% de son PIB. C'est énorme. Par comparaison, la dette canadienne atteint 80% du PIB, comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Mais ce taux d'endettement italien n'a rien de soudain. Il était déjà à 120% en 1995, il a baissé légèrement au tournant du millénaire pour retrouver ce niveau à cause de la récession.

Il n'y a donc pas eu d'explosion incontrôlable. Le déficit a été relativement bien maîtrisé pendant la récession. La reprise est très lente, mais l'Italie n'a pas eu à composer avec une crise structurelle, comme en Irlande ou en Espagne. Pas de bulles, pas d'endettement excessif des ménages. Et son plan de retour au déficit zéro pour 2013, qui comporte des failles, mais qui est sérieux dans l'ensemble.

Cet endettement chronique, très sérieux, exigeait très certainement un coup de barre vigoureux, parce que ce n'était pas soutenable à long terme. Mais cette situation ne méritait pas non plus des réactions de panique. Rien ne permettait de croire que l'Italie serait incapable de respecter ses engagements envers ses créanciers.

Pourquoi alors la panique? Un effet de contagion après la crise grecque et les carences observées dans l'encadrement européen. Une tendance à amalgamer les pays méditerranéens d'une façon qui comporte, j'en suis convaincu, un certain mépris et une méconnaissance politique de l'Europe du sud de la part des places financières anglo-saxonnes de Londres et de New York qui, en outre, on toujours eu un parti pris anti-euro.

Et derrière ces craintes, quelque chose de très réel, la vulnérabilité des marchés financiers mondiaux à des effets dominos. La peur que, par exemple, des banques peu solides soient fragilisées si elles détiennent trop de titres italiens. Ou que les mécanismes mis en place par l'Europe soient insuffisants pour soutenir l'énorme dette italienne de 1900 milliards d'euros. Le tout amplifié par le jeu de la spéculation.

Et cela plonge l'Italie dans un véritable cercle vicieux. L'Italien peut gérer sa dette. Mais quand les marchés, paniqués, font grimper les taux qu'elle doit payer sur ses emprunts, ils créent une situation où l'Italie, prise à la gorge, ne pourra plus s'en tirer. Une dynamique circulaire où les peurs des marchés créent une situation qui confirmera leurs peurs.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le départ de Silvio Berlusconi et son remplacement possible par Mario Monti, un économiste réputé. Ce changement ne réglera pas les problèmes comme par enchantement, mais il calmera peut-être des marchés qui carburent parfois à la pensée magique.