Le succès de François Legault depuis son retour en politique est un véritable tour de force. Depuis des mois, sans parti et sans programme, il voguait en tête des sondages. Il serait étonnant que cela change maintenant que le parti a été officiellement fondé et qu'il dispose d'un plan d'action, même s'il devra dorénavant croiser le fer avec ses adversaires.

Il faut réussir à mieux comprendre ce phénomène qui domine la vie politique québécoise. C'est quoi le secret? À quoi tient la popularité de François Legault? On l'explique le plus souvent par la soif de changement des Québécois. C'est sans doute une partie de l'explication, mais c'est un peu court.

D'abord, parce que François Legault n'est certainement pas un nouveau venu en politique. En outre, les engouements soudains et éphémères de l'électorat sont d'habitude déclenchés par le charisme d'un politicien, que ce soit la faconde de Mario Dumont ou la chaleur de Jack Layton. Il fallait suivre la présentation empesée de François Legault, lundi, lors du lancement de son parti, pour voir que le charisme n'est pas un ingrédient de sa recette secrète.

Ce n'est pas non plus la nouveauté du plan d'action de la CAQ qui peut jouer. Quelques-unes de ses propositions le distinguent, comme l'évaluation des enseignants. Mais il est difficile pour un parti politique de se distinguer au Québec, dans le couloir idéologique dans lequel se situe la majorité des électeurs, surtout que les problèmes sont les mêmes pour tous les partis et la palette des solutions est limitée. La coalition n'est donc pas radicalement différente des autres partis. Elle en est plutôt une synthèse: le côté iconoclaste de l'ADQ à l'égard des institutions, le côté dirigiste du Parti québécois, l'énergie réformatrice du PLQ de Jean Charest au tout début de son premier mandat.

Ce que les gens cherchent, c'est un chef et une équipe qui vont régler les problèmes qui les préoccupent, qui vont bien diriger le Québec. Et s'ils manifestent une attraction pour la nouveauté, ce n'est pas par amour du changement pour le changement, mais parce qu'ils estiment que la classe politique ne livre pas la marchandise. François Legault profite ainsi de l'effondrement de l'ADQ, de la crise interne du PQ et de son option, de l'usure du gouvernement libéral. La nouveauté comporte aussi un attrait, celui de la pureté. Dans cette période de désillusion, la CAQ, contrairement au PQ et au PLQ, n'a pas de squelettes dans le placard.

Mais si François Legault a su profiter de ce vide, c'est qu'il dispose de deux atouts. Le premier, c'est la détermination et le focus. Le projet de la CAQ repose sur un petit nombre de thèmes, créer de la richesse, miser sur l'éducation, réformer la santé. Parce qu'il se limite à 20 propositions, on reproche à M. Legault de ne pas parler de ceci ou de cela. Mais c'est ce qui fait sa force. En refusant de se laisser distraire, en ne proposant pas un programme qui ressemble à une pizza «all-dressed», François Legault réussit à définir clairement ses priorités et à montrer sa détermination à livrer la marchandise.

L'autre élément unique au CAQ, c'est le refus des étiquettes constitutionnelles. La classe politique y voit son talon d'Achille. C'est plutôt sa carte maîtresse. Les Québécois souhaitent massivement de s'extraire d'un débat qui tourne en rond et les divise. Quand Jean Charest affirme, comme il l'a fait ce week-end, qu'on ne peut pas être ni fédéraliste, ni souverainiste, il choisit la pire stratégie. Non seulement parce qu'il se trompe, mais parce qu'il donne sur un plateau d'argent des voix à son nouvel adversaire.