La Presse révélait lundi que les comptes de taxes de la quasi-totalité des municipalités québécoises ont augmenté de façon substantielle. Des hausses moyennes de 19,2% en cinq ans, soit presque le double de l'inflation.

Pour le contribuable, qui n'aime pas délier les cordons de sa bourse, ce dossier, très fouillé, ne constituait certainement pas une bonne nouvelle, surtout quand les élus municipaux, comme cela a souvent été le cas, ont remporté leurs élections en promettant de ne pas augmenter les taxes.

Mais en fait, j'aurais plutôt tendance à affirmer que ces hausses sont parfaitement normales et raisonnables. Tout dépend en effet des critères que l'on emploie pour définir ce qui est une augmentation acceptable du fardeau fiscal.

Dans le monde municipal, pour une raison qui m'échappe, le critère employé est celui de l'inflation. Si les taxes n'augmentent pas plus vite que la hausse des prix, on estime que ces hausses sont neutres et que le budget municipal est en situation d'équilibre.

Mais pourquoi ce critère? Ce n'est pas celui qui est utilisé pour les finances publiques fédérales ou provinciales où on dira, une fois que le poids de l'État a atteint le niveau souhaitable, que le gouvernement est en situation d'équilibre si ses dépenses et ses revenus sont stables par rapport à l'économie, si elles restent au même pourcentage du PIB.

Avec une croissance économique qui oscille en général entre 4% et 6% par année, on trouvera naturel que les revenus de Québec ou d'Ottawa augmentent eux aussi à ce rythme. Ce rythme naturel peut être affecté, par exemple par la récession. Mais depuis, à Ottawa, les revenus ont augmenté de 7,8% l'an dernier et de 6% cette année, et on prévoit qu'ils augmenteront de 6% l'an prochain et de 9,5% dans deux ans. À Québec: 5,5% l'an dernier, 4% cette année, 6% l'an prochain, 5,5% dans deux ans. Et personne ne crie au scandale.

Ce n'est pas arbitraire. Il y a des raisons pour ajuster les finances publiques à la croissance économique. Limiter la croissance des dépenses et des revenus au rythme de l'inflation, comme on tend à le faire pour nos villes, ça s'appelle un gel. Et un gel, avec une croissance de la population, et avec des postes de dépenses, notamment la rémunération, qui augmentent plus vite que l'inflation, ça signifie, par définition, des compressions et des réductions de service. Veut-on que les villes soient en situation de gel permanent?

Quand les revenus de l'État augmentent au même rythme que l'économie, ils croissent en fait au même rythme que la richesse collective, qui reflète aussi la capacité de payer. En termes économiques, il ne s'agit même pas d'une hausse du fardeau fiscal.

Mais pourquoi ces hausses de revenus, qui semblent si normales au niveau fédéral et provincial, suscitent-elles un tel tollé au niveau municipal? Il y a à cela des raisons politiques. À Ottawa et à Québec, les revenus rentrent tout seuls grâce à la croissance, sans que les gouvernements aient à lever le petit doigt. Dans les municipalités, pour augmenter les taxes, il faut poser un geste, modifier le rôle d'évaluation ou toucher au taux de la taxe foncière. Et en subir l'odieux.

Je ne veux pas faire l'apologie du laxisme municipal. Mais il a une logique de deux poids, deux mesures. Déjà, les villes sont dans un carcan à cause de la rigidité de la taxe foncière et de leur difficulté à s'acquitter de leur mission avec les ressources dont elles disposent. On ne peut pas espérer qu'elles puissent à la fois geler les revenus et satisfaire les attentes énormes que les citoyens ont à leur égard.