L'OCDE a publié lundi une volumineuse étude qui montre que les écarts de revenu entre les riches et les pauvres ont augmenté depuis 30 ans, et que cet accroissement des inégalités a été plus prononcé au Canada que dans la plupart des pays.

Il n'y a pas que le message. Il y a aussi le messager. N'est-il pas étonnant, pour ceux qui voient les choses en noir et blanc, que l'Organisation de coopération et de développement économiques, souvent perçue comme un porteur de la pensée néolibérale, ait choisi de consacrer une étude de 389 pages aux inégalités de revenu, un exercice amorcé bien avant que les indignés ne fassent du camping dans les centres-villes?

Ce que dit l'OCDE, comme l'avait fait il y a quelque temps le Conference Board du Canada, c'est que l'accroissement des inégalités constitue un enjeu social, économique et politique dont les gouvernements doivent s'occuper.

Mais nous savons déjà qu'il y a un pays membre de l'OCDE qui n'a pas l'intention de se préoccuper de cette question, et c'est le Canada. Du moins si on se fie aux propos tenus par le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty. En réponse en Chambre à une question du NPD, celui-ci, avec l'approche primaire qui est la sienne, a montré qu'il n'avait rien compris.

«L'OCDE et le FMI, a dit le ministre, disent que la croissance économique du Canada et la création d'emplois seront les meilleures. C'est comme ça qu'on s'attaque à l'inégalité.» Eh bien, justement, l'étude de l'OCDE démontre exactement le contraire. Depuis 30 ans, le Canada a eu une forte croissance et une forte création d'emplois, et cela ne l'a pas empêché de subir un fort accroissement des inégalités, encore plus rapide qu'aux États-Unis.

Selon les chiffres de l'OCDE, les revenus au bas de l'échelle et ceux des classes moyennes ont augmenté modérément au Canada. Il n'y a pas eu d'appauvrissement. L'inégalité provient plutôt du fait que les revenus des riches ont augmenté beaucoup plus rapidement. C'est particulièrement vrai de la tranche supérieure de 1%, dont la part dans le revenu total est passée de 8,1% à 13,3%. Et c'est encore plus vrai des super-riches, le 0,1% supérieur, dont la part est passée de 2% à 5,3%.

Pourquoi? Des causes sociales, comme l'éclatement des familles. Des causes liées au marché du travail, comme la détérioration des conditions d'emploi au bas de l'échelle - plus de temps partiel, plus de travailleurs autonomes, moins de bons jobs payants, en partie à cause de la mondialisation. Des causes politiques, des transferts moins généreux, un allègement fiscal plus fort pour les hauts revenus. Des causes économiques, le déplacement de la richesse qui mène à des salaires très élevés dans des secteurs comme la finance et l'énergie.

Si les causes sont multiples, des solutions devront l'être aussi. Elles passent s'abord, selon l'OCDE, par des mesures qui amélioreront les revenus d'emplois, notamment l'éducation, la formation, l'accompagnement scolaire. Il y a aussi, manifestement, une marge de manoeuvre fiscale pour exiger davantage des très hauts revenus.

Mais avant tout, il faut accepter qu'il s'agit là d'un enjeu majeur, d'une priorité. D'abord pour réduire la précarité, la pauvreté et l'exclusion, toujours fortes au Canada. Mais aussi pour s'attaquer à une anomalie qui s'est installée au fil des ans.

Une société comme la nôtre doit créer de la richesse, pour générer les ressources dont elle a besoin, pour résister aux chocs qui la menacent. Mais on ne pourra jamais convaincre les gens de participer à un effort collectif de création de richesse si on ne peut pas leur démontrer qu'eux aussi profiteront de cet enrichissement.