Est-ce qu'il y a un point commun entre les phoques, la pizza et le pétrole, à part le fait que les trois mots commencent par la lettre «p» ? Oui. L'Europe.

Les phoques, la pizza, et maintenant le pétrole issu des sables bitumineux, ce sont trois dossiers sur lesquels la Commission européenne a déployé ses talents. L'Europe, ce n'est pas seulement l'euro ou la crise grecque. De ce côté-ci de l'Atlantique, on ne sait pas que c'est aussi un énorme appareil administratif dont la propension bureaucratique n'est pas tempérée, comme pour un gouvernement traditionnel, par les institutions politiques.

Je ne le dis pas pour banaliser une récente initiative de la Commission européenne - une directive sur la qualité des carburants, qui classe les carburants en fonction de leurs émissions de GES et qui cible les sables bitumineux - mais plutôt pour la contextualiser et pour illustrer le fonctionnement de cette institution.

On se souvient tous que le même parlement européen a banni les importations de produits issus de la chasse aux phoques. Un dossier où les députés européens ont déployé la même capacité d'analyse rationnelle que Brigitte Bardot. Un bel exemple de grandiloquence législative qui s'explique en partie par la nature du parlement européen, que le faible taux de participation aux élections européennes, ainsi que le jeu de la proportionnalité, transforme en institution hétérogène et imprévisible.

L'histoire de la pizza napolitaine lève un voile sur une autre réalité européenne, sa ferveur réglementaire. Bruxelles a décidé de protéger le label des pizzas napolitaines en en faisant une «spécialité traditionnelle garantie» (stg). Il faut détenir un permis pour vendre de la pizza napolitaine, remplir des formules, suivre un cahier de charges, respecter un règlement de dix pages.

«La pizza napoletana stg, précise ce règlement, se présente comme un produit de forme arrondie cuit au four, au diamètre variable quoi ne doit pas dépasser 35 cm, au bord surélevé et dont la partie centrale est garnie. La partie centrale a une épaisseur de 0,4 cm, avec une tolérance admise de +10%, et le bord de 1,2 cm. La pizza dans son ensemble est tendre, élastique, facilement pliable en quatre.» L'Europe, c'est aussi ça.

Dans le cas du pétrole, l'idée d'attribuer des valeurs d'émission de GES à chaque forme d'hydrocarbure est excellente. Et si le Canada se retrouve ainsi dans la ligne de mire européenne, c'est essentiellement à cause du refus du gouvernement conservateur d'encadrer l'industrie des sables bitumineux et de s'attaquer de façon convaincante au réchauffement climatique.

Mais cette démarche comporte aussi des éléments typiques de la culture de l'institution européenne. La tendance à donner des coups d'épée dans l'eau, puisque l'Europe n'importe pas de ce type de pétrole. L'indignation à géométrie variable, puisque la directive manifeste une indulgence pour des pétroles sales de pays amis. Les deux poids deux mesures, quand on découvre que 27% de l'électricité européenne est toujours produite avec du charbon.

Assez pour que le Canada puisse contester cette décision en raison de son caractère discriminatoire si la Commission européenne, qui n'a pas obtenu la majorité nécessaire cette semaine en faveur de cette directive dans un comité technique, décide éventuellement de l'adopter.

Mais l'incident européen ne change rien au fond du débat. Le Canada et le monde ont besoin du pétrole des sables bitumineux. Ce pétrole engendre des émissions importantes de GES, même si on découvre maintenant qu'elles sont moins spectaculaires qu'on le prétendait. Il faudra donc encadrer le rythme de la production, investir massivement pour réduire ses effets néfastes, et ultimement, la seule réponse, réduire notre dépendance aux hydrocarbures. Il faudra plus que des offensives de relations publiques du gouvernement Harper pour y parvenir.