Un des grands défauts du fédéralisme canadien, ou de la façon dont on le pratique, c'est qu'il a souvent tendance à infantiliser les provinces et à transformer leurs premiers ministres en ados boudeurs.

On en a eu un exemple lundi, quand le premier ministre Jean Charest, en visite à Toronto, et son homologue ontarien Dalton McGuinty ont tenu une conférence de presse où ils ont accusé le gouvernement fédéral de vouloir pelleter ses problèmes financiers dans la cour des provinces.

C'est une très bonne chose que les provinces collaborent et travaillent ensemble. Le fédéralisme gagne en souplesse et en capacité d'innovation quand les idées viennent d'en bas, plutôt que d'être imposées par le gouvernement central. Mais pour cela, il faut dépasser la solution de facilité qui consiste pour les provinces à s'entendre pour casser du sucre sur le dos du fédéral.

Le Canada est actuellement confronté à plusieurs enjeux nouveaux, difficiles, comme les séquelles de la crise sur les finances publiques, la transformation de l'économie provoquée par le développement pétrolier ou encore le choc des valeurs engendré par l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement réellement conservateur.

Ces questions exigent certainement une réflexion, un débat public. Une «conversation», comme on dit dans les milieux intellectuels anglophones à la mode. Mais cette conversation, pour être utile, doit être adulte.

Ce n'est pas vraiment ce que nous observons. Il n'y a pas beaucoup de maturité dans l'accusation des provinces qu'elles sont traitées injustement par Ottawa dans le dossier des transferts en santé. Ces transferts augmenteront de 6% par année jusqu'en 2014. Le gouvernement conservateur propose de maintenir ce rythme pendant trois ans, pour ensuite le ramener à la croissance de la richesse, soit autour de 4%.

En mode adulte, les provinces devraient reconnaître qu'Ottawa doit réduire la croissance de ses dépenses. Elles devraient accepter qu'un domaine aussi important que la santé soit affecté, puisque c'est ce qu'elles font dans leurs propres budgets. À condition que l'effort qu'Ottawa leur impose ne soit pas disproportionné. Ce n'est certainement pas le cas quand on sait que le fédéral prévoit réduire les dépenses de ses propres ministères de 5% à 10%!

Cette dynamique boudeuse s'explique en bonne partie par la culture politique québécoise. Au Québec, pour s'imposer, un premier ministre doit démontrer sa fermeté face à Ottawa. Et cette fermeté se mesure souvent aux décibels, plutôt qu'aux résultats, puisque jamais un premier ministre ne peut manifester de satisfaction dans ses démêlés avec le gouvernement fédéral.

Il y a un lien entre la sortie de M. Charest à Toronto et le fait que, le même jour, Pauline Marois l'a accusé de mollesse, et d'avoir un résultat de 0 à 15 dans ses rapports avec le gouvernement central.

Ce qui est nouveau, c'est que l'Ontario adopte elle aussi ce ton boudeur, sans doute à cause de ses difficultés économiques et des mauvais rapports entre son gouvernement libéral et les conservateurs qui règnent à Ottawa.

Cette dynamique n'est pas aidée par l'attitude du gouvernement Harper, fermé sur lui-même, allergique aux visions, aux grandes stratégies ou aux débats de société. Et qui gère à coups de décisions ponctuelles qu'il impose sans discussion. Difficile d'avoir une conversation sans interlocuteur.

Comment passer au mode adulte? Le premier ministre Charest a évoqué une piste prometteuse, celle d'un plan national sur l'énergie, mais qui serait développé par les provinces. Il ne serait pas facile de trouver un terrain d'entente entre des provinces aux intérêts divergents sur les questions énergétiques et environnementales. Mais un tel exercice répondrait à un réel besoin et comblerait un grand vide. Et c'est un dossier où le Québec pourrait exercer un leadership.