Plusieurs voix se sont élevées pour demander au gouvernement Charest d'amorcer un dialogue avec les étudiants. C'est le cas de certains recteurs, ou de la chef de l'Opposition, Pauline Marois. Les pressions seront certainement plus fortes après la grande manifestation d'hier à Montréal.

Ce ne serait pas une bonne idée. Négocier quoi? Et avec qui? Mais ce n'est pas parce que le gouvernement n'accepte pas de négocier avec les manifestants qu'il ne doit pas écouter ce qu'ils ont à dire.

Si l'idée d'une négociation n'est pas réaliste, c'est parce que le mouvement étudiant est relativement informe, que le mandat de ses leaders n'est pas clair, que la contestation à été récupérée par les éléments les plus radicaux, dont l'objectif avoué est la gratuité. Très difficile de négocier un ralentissement des hausses des droits de scolarité avec des gens qui veulent les baisser!

Le gouvernement Charest n'a pas non plus à se laisser impressionner par l'ampleur du mouvement. Il n'y a pas de «printemps québécois». On assiste plutôt à un rituel prévisible. Chaque génération d'étudiants, depuis des décennies, s'est mobilisée sur les aspects financiers des études: pour la gratuité, contre les hausses de Claude Ryan, sur les prêts et bourses, plus récemment sur l'indexation.

Il ne faut pas non plus dramatiser les enjeux. On dénonce avec passion des hausses plus modestes que celles qu'ont connues les provinces voisines - qui ne sont pas le Texas - où l'on n'a pourtant constaté aucune des catastrophes annoncées par les opposants québécois.

Mais il n'en reste pas moins que ces hausses feront mal à certains. Pas aux pauvres: les 30% des étudiants qui sont boursiers sont parfaitement protégés. Pas non plus aux plus riches: les classes moyennes, surreprésentées dans les universités, sont capables de payer. Il y a cependant des zones grises: ceux qui sont trop riches pour avoir droit aux bourses, mais assez pauvres pour que les hausses soient un fardeau.

La recherche d'une solution à ce problème ne doit pas faire oublier qu'il y avait des principes derrière l'action du gouvernement libéral. D'abord, l'importance de mieux financer nos universités. Ensuite, la crise des finances publiques. Aussi, une conception moins primaire de la justice sociale, car le gel des frais est une mesure régressive, qui force les gagne-petit à financer les études d'une clientèle universitaire plus favorisée qu'eux.

Il y avait un autre principe en jeu dans l'initiative du gouvernement Charest, et c'est celui de casser un moule, celui de l'attachement au statu quo. C'est comme si les jeunes étaient tombés dans l'eau bénite du modèle québécois et qu'ils prenaient le relais de leurs aînés dans la défense des droits acquis.

Mais le gouvernement Charest, sans renier ses objectifs, pourrait instaurer un mécanisme de remboursement des dettes étudiantes proportionnel au revenu des étudiants lorsqu'ils seront sur le marché du travail. Si on gagne moins, on n'est pas obligés de rembourser autant. Ça se fait avec succès dans de nombreux pays. Cela soulagerait le fardeau des étudiants les plus vulnérables et de ceux dont la carrière sera moins lucrative.

Ensuite, il pourrait moduler les frais de scolarité selon les programmes, et pourquoi pas, selon les universités. Pour que ceux dont le diplôme sera plus payant supportent des hausses plus élevées. Ce qui, là aussi, atténuerait le fardeau des plus vulnérables.

Enfin, les familles québécoises, à cause du gel, épargnent moins qu'au Canada anglais pour les études de leurs enfants. Il faudrait casser cette mauvaise habitude en mettant en place des mesures pour encourager l'épargne.

Ces pistes d'action, sans forcer le gouvernement à reculer, lui permettraient d'atténuer les effets indésirables des hausses des droits et de les rendre plus acceptables.