Tomas Kaberle a confondu bien des sceptiques en récoltant deux passes, samedi.

«Ce n'est qu'un match», se sont empressés de souligner les amateurs qui ont contesté l'acquisition du vétéran défenseur, et surtout du lourd contrat de trois saisons et 12,75 millions qu'il a traîné jusqu'à Montréal.

Vrai qu'un match ne fait pas une saison. J'aimerais toutefois poser une question à ses détracteurs: si Tomas Kaberle avait disputé un premier match horrible dans l'uniforme du Canadien, auriez-vous affiché la patience que vous réclamez avant de noyer le défenseur tchèque et le directeur général Pierre Gauthier dans un bassin rempli de critiques vitrioliques?

À ceux qui ont répondu oui sans la moindre hésitation, je souligne avec la plus grande politesse que ce n'est pas beau, mentir...

Médisance et calomnie

Le déferlement de critiques qui a suivi la transaction, les commentaires selon lesquels le Canadien héritait d'un joueur fini qui venait de connaître une saison misérable - et des séries éliminatoires plus misérables encore - ont porté ombrage à des réalités plus positives.

En dépit d'une «saison de misère», Kaberle a amassé 47 points l'an dernier avec Toronto et Boston.

Ces 47 points l'auraient placé au 3e rang des marqueurs du Canadien, sur un pied d'égalité avec Michael Cammalleri. Seuls Tomas Plekanec (57 points) et James Wisniewski (51 points) l'auraient devancé.

Kaberle aurait donc coiffé au fil le surdoué et adulé P. K. Subban (38 points) et le très aimé Roman Hamrlik (34 points), dont les amateurs ont déploré la perte au marché des joueurs autonomes l'été dernier.

Peut-on vraiment parler d'une saison de misère pour Kaberle? Le définir comme défenseur fini?

Autre calomnie colportée vendredi: Tomas Kaberle est un joueur fragile.

Kaberle n'est pas le joueur le plus brave de la LNH. Il ne défoncera pas les bandes avec des mises en échec percutantes ou un tir frappé foudroyant. Tout ça est vrai. Mais un joueur fragile?

Il n'a pas raté un match la saison dernière. Il n'a pas raté une seule rencontre il y a deux ans non plus. De fait, Kaberle a disputé sept saisons complètes depuis son entrée dans la LNH, en 1998-1999. Il a raté 25 rencontres à sa première année et en 2008-2009. Il a connu des années de 69, 71 et 74 rencontres lors de ses trois autres saisons. Alors, fragile, Kaberle?

Des millions paralysés

Si plusieurs critiques à l'endroit de Tomas Kaberle étaient exagérées, celles liées à son contrat étaient bien justifiées. Autant sur le plan financier que sur celui de sa durée, puisque Kaberle touchera 4,25 millions l'an prochain et 4,5 millions dans deux ans.

Mais attention: à 33 ans, le vétéran défenseur est encore jeune. Quatre ans plus jeune que Roman Hamrlik, à qui les partisans du Tricolore auraient pourtant accordé un contrat de deux ans (3,5 millions par année) pour éviter de le voir filer vers Washington. Kaberle pourrait donc facilement terminer son contrat.

Mais si on ajoute aux millions qui lui sont maintenant consacrés ceux rattachés aux contrats de Scott Gomez et Andrei Markov, 17 357 143$ sont déjà dépensés l'an prochain et dans deux ans. Et on ne sait pas encore comment le plafond salarial de 64 millions fluctuera.

Cette somme est colossale. Plusieurs partisans se demandent, avec raison, comment le Canadien pourra s'y prendre pour garder Carey Price, Josh Gorges, P. K. Subban et s'offrir aussi quelques joueurs autonomes dignes d'intérêt.

À Gauthier de calculer

Pierre Gauthier a beau être parfois désagréable, cachottier et invisible - et ça, c'est dans une bonne journée -, il demeure un homme de hockey intelligent et rusé.

M. Gauthier, qui a réglé vendredi un problème urgent, aura plusieurs options devant lui lorsque viendra le temps d'éviter de s'enliser dans un merdier financier.

Si Andrei Markov ne peut revenir au jeu ou qu'il se blesse de nouveau, il pourra inscrire son nom sur la liste des blessés à long terme et ainsi soustraire son salaire de la masse salariale de l'équipe. Geoff Molson devra continuer à le payer. Mais une marge de 5,75 millions serait ainsi créée.

À défaut de pouvoir frapper à coups de marteau sur les orteils de Scott Gomez pour s'assurer de le placer sur cette même liste, le Canadien pourra racheter son contrat l'été prochain. Ça coûterait cher (6,66 millions), mais ça dégagerait quelques millions sous le plafond. Le Canadien pourrait aussi le céder aux mineures. Sans oublier qu'avec des salaires versés de 5,5 millions et 4,5 millions à ses deux dernières saisons, mais une charge de 7,357 millions sous le plafond, Gomez pourrait «intéresser» un club qui aurait besoin d'un gros contrat pour atteindre le plancher salarial.

S'il décide de ne pas présenter d'offre de contrat à Hal Gill (2,25 millions) et Chris Campoli (1,75 million), c'est 4 autres millionsque M. Gauthier libérera.

Avec ses deux passes samedi, mais surtout avec le calme, l'assurance et l'efficacité qu'il a affichés dans ses sorties de zone et son rôle de quart-arrière lors des attaques massives, Tomas Kaberle a démontré qu'il pouvait régler une partie des ennuis qui minent le Canadien sur la glace actuellement. C'est déjà ça de gagné.

Il doit maintenant en faire la preuve sur une période prolongée. Car si Kaberle s'impose sur la patinoire, les conséquences financières de son acquisition seront soudainement beaucoup moins lourdes à porter.

Photo: PC

Avec les salaires de Tomas Kaberle, Scott Gomez et Andrei Markov, on peut se demander si le Canadien aura les moyens de garder Carey Price (ci-dessus), Josh Gorges et P.K. Subban.