Que ce soit à Dallas où il a débarqué en 1995-1996 avant d'y soulever la Coupe Stanley en 1999, à Philadelphie où il a régné pendant trois ans avant d'être congédié après huit matchs à l'automne 2006 ou à Columbus où il a permis aux Blue Jackets d'atteindre les séries éliminatoires la seule fois depuis leur entrée dans la LNH, Ken Hitchcock a toujours dirigé ses équipes avec une main de fer dans un gant de... fer.

Après son dernier congédiement, il y a près de deux ans, plusieurs observateurs ont cru qu'on ne reverrait plus jamais ce tortionnaire d'une autre époque derrière un banc de la LNH. Plusieurs joueurs le souhaitaient d'ailleurs ouvertement.

Eh bien non!

Lorsque le DG des Blues de St.Louis, Doug Armstrong, et son président John Davidson en ont eu assez des insuccès de leur équipe, ils ont remplacé Davis Payne, jeune entraîneur aux méthodes douces de la nouvelle LNH, par Ken Hitchcock et ses méthodes fortes et plus traditionnelles.

Dès son premier match, le 8 novembre, Hitchcock a mené sa nouvelle équipe à une victoire de 3-0 aux dépens des puissants Blackhawks de Chicago. Depuis, «Hitch» et les Blues en ont ajouté 17. Ils sont passés du 14e au 4e rang dans l'Ouest.

«On a même savouré la première place pendant une quarantaine de minutes», a précisé Hitchcock en esquissant un sourire de satisfaction.

S'il est clair que la méthode forte fonctionne à plein régime à St.Louis, le «tortionnaire» assure s'être modéré. Du moins un peu.

«J'ai ajouté quelques mots plus polis à mon vocabulaire», insiste l'entraîneur-chef de 60 ans.

Plus encore que le vocabulaire, l'expérience acquise aux Jeux olympiques de 2002 et 2010 avec Équipe Canada et des participations aux Championnats du monde ont permis à Hitchcock de développer d'autres méthodes.

«La chose la plus facile au hockey est d'identifier des problèmes. C'est une autre histoire de trouver les solutions et de les inculquer aux joueurs. En compétition internationale, tout se passe tellement vite que tu apprends à réagir sur le champ. Une participation aux JO représente pratiquement cinq saisons dans la LNH. Je n'ai pas changé grand-chose au système. Je n'ai pas encore piqué de grande colère. J'ai simplement abordé mon travail ici comme si on me confiait une équipe à quelques jours des Jeux. J'ai présenté des demandes claires et exigé des résultats immédiats», a expliqué Hitchcock après l'entraînement des Blues, hier, au Centre Bell.

Sans aller jusqu'à convenir que Hitchock s'est assagi - encore moins adouci -, Jamie Lagenbrunner reconnaît qu'il s'est un brin tempéré. Mais juste un brin. «J'ai essuyé ses colères alors que je jouais à Kalamazoo - club-école des Stars de Dallas dans la Ligue internationale - et à mes premières saisons dans la LNH. C'était loin d'être facile. J'ai vieilli un peu. Lui aussi. Il est peut-être un peu moins rapide sur la gâchette. Mais il est aussi exigeant. Si des gars ne lui donnent pas ce qu'il attend, ils découvrent rapidement que tout ce qui se disait sur son compte n'était pas exagéré.»

David Perron compose très bien avec les sautes d'humeur de son nouvel entraîneur-chef. «Je n'ai pas de problème avec un coach exigeant et dur. Surtout quand il frappe les bons boutons. Quand on joue mal, on mérite de se faire planter. Contre Edmonton, on perdait 3-1 après deux périodes. Il nous a brassés à l'entracte. On a gagné 4-3. Tant que c'est mérité et que ça marche, c'est bien correct», a convenu le Québécois.

Entraîneur mercenaire

Ce commentaire de Perron met en évidence le plus gros handicap d'Hitchcock. Ses compétences sont reconnues. Ses méthodes aussi. Mais après deux ou trois saisons, elles irritent les joueurs au lieu de les motiver. Hitchcock est alors largué par ses joueurs avant d'être congédié par ses patrons.

Un affront qu'il a déjà subi trois fois.

Allié de longue date de cet entraîneur intraitable, Doug Armstrong a d'ailleurs accordé un mandat à court terme à ce mercenaire débarqué il y a tout juste deux mois. Hitchcock a obtenu un contrat couvrant la fin de cette saison et la prochaine. Pas plus. Du moins pas pour l'instant.

Doit-on voir dans ce type de mandat la dernière porte de sortie pour des coachs d'expérience comme Hitchcock, Darryl Sutter, qui vient de se faire confier les Kings de Los Angeles, ou Jacques Martin qui est maintenant disponible?

«L'expérience ne s'achète pas et c'est certainement un atout dont j'ai profité. Mais je ne crois pas que je sois condamné à venir éteindre des feux pour ensuite donner ma place. On est de retour sur la bonne voie et si tout continue à bien aller, nous serons à prendre très au sérieux. Le reste suivra son cours», a plaidé Hitchcock.

Fort d'une fiche de 18-5-0-5 depuis l'arrivée de leur nouvel entraîneur, les Blues affichent 53 points au classement. Le même nombre que les Red Wings et les Blackhawks avec qui ils se battront pour la première place de la division centrale. Une bataille qui sera difficile à gagner.

Car en plus de composer avec les absences de deux attaquants de premier plan - Andy McDonald n'a disputé que trois matchs cette saison et Alexander Steen ratera un sixième match de suite ce soir - les Blues devront se faire à un calendrier difficile. Entre le 4 février et le 25 mars, ils disputeront 19 de leurs 28 matchs sur la route. Pis encore, ils auront des séquences de six et sept matchs à l'étranger entrecoupés d'un court séjour de trois rencontres à la maison. Juste assez pour faire la lessive. Mais pas assez pour renouer avec toute la famille.

«C'est pour ça qu'on doit mettre des points en banque et espérer le retour de nos blessés. Mais personne ne se servira de ça comme excuse. Je n'ai pas changé tant que ça», a conclu Hitchcock.

Photo: Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Ken Hitchcock