Qui sont les intouchables dans le vestiaire du Canadien? Cette question faisait surface ici et là avant les Fêtes alors que le Tricolore glissait au classement. Elle déferle maintenant que les Glorieux sont éliminés... ou à peu près.

Quoi répondre? Qu'il n'y a pas d'intouchables chez le Canadien. Ou qu'il ne devrait pas y en avoir.

Pas même P.K. Subban? Pas même Subban!

Pourquoi? Parce que si Wayne Gretzky a été échangé au faîte de sa carrière, n'importe qui peut être échangé.

Mais attention: échanger un joueur ne veut pas dire le donner. Surtout si une équipe décide d'utiliser comme appât un de ses meilleurs éléments ou un joueur aussi prometteur et populaire que l'est Subban.

À cet effet, les coups d'éclat du Canadien au fil des dernières années sont loin d'être rassurants pour les partisans. Pas surprenant alors qu'ils poussent les hauts cris dès que le nom de leur défenseur favori est associé à une transaction.

Les spectres de Roy, Ribeiro et Théodore

Les pertes de Patrick Roy et Mike Keane dans une transaction tout à l'avantage de l'Avalanche du Colorado en sont un exemple probant.

Tout comme l'ont été les gestes de panique de Bob Gainey lorsqu'il a envoyé José Théodore encore au Colorado et Mike Ribeiro à Dallas.

Pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons, Ribeiro et Théodore devaient peut-être quitter Montréal. Ça ne voulait toutefois pas dire de les donner. Car oui, Gainey les a donnés.

Ribeiro a offert 375 points, dont 117 buts, aux amateurs de hockey de Dallas en 427 matchs disputés dans l'uniforme des Stars. Et il n'est pas près de s'arrêter.

Ceux qui se souviennent de Janne Niinimaa, le défenseur obtenu par Gainey en retour de la petite peste qu'était Ribeiro, s'en souviennent pour sa fiche de -13 et ses trois passes récoltées en 41 matchs avec le Tricolore.

Pas besoin d'être un docteur en mathématiques pour conclure que le compte est nettement défavorable pour le Canadien.

Quant à Théodore, il a remporté 143 des 258 matchs qu'il a disputés depuis son départ de Montréal. Il ajoutera des victoires encore cette année, l'an prochain et peut-être même dans deux ans. David Aebischer, que le Canadien a obtenu en retour de Théo? Il évolue à St.John's dans la Ligue américaine après un exil de trois ans en Europe qui a suivi les 40 matchs (17 victoires) disputés dans la LNH après son arrivée à Montréal. Il faut toutefois souligner que Gainey avait économisé beaucoup d'argent en complétant cette transaction.

Donner beaucoup, recevoir davantage

Parce qu'il serait surprenant que les Hurricanes de la Caroline, les Ducks d'Anaheim, voire les Kings de Los Angeles, acceptent de donner Eric Staal, Ryan Getzlaf ou Anze Kopitar en retour de Travis Moen - et ils ne plieront pas l'échine même si vous ajoutez Hal Gill et Yannick Weber en prime -, les partisans du Canadien devront accepter de perdre un joueur d'impact pour en obtenir un autre. Si, bien sûr, c'est au moyen d'une mégatransaction que Geoff Molson entend renflouer son club.

Les joueurs d'impact chez le Canadien sont rares. Il y en a deux, en fait: Subban et Carey Price.

Parce que derrière Price, le Canadien est vraiment démuni en fait de gardien; il serait surprenant que Molson accepte de se départir du cow-boy. Mais ce qui vaut pour Subban vaut aussi pour Price. Si une équipe acceptait d'offrir mer et monde pour un gardien qui va coûter un bras et une jambe l'an prochain, le Canadien serait fou de ne pas écouter.

Maximiser la valeur de Subban

Et Subban? Il est le meilleur défenseur du Canadien. Ses performances et son attitude déçoivent cette année, mais il ne faut pas oublier qu'il écoule sa deuxième saison complète dans la LNH. Sa carrière commence. Et s'il souffre du syndrome évident du joueur qui se croit déjà rendu aussi bon que Bobby Orr, il n'y a rien comme une dose de modestie associée à une saison misérable comme celle qu'il connaît et que son équipe traverse pour se rapprocher de la terre ferme.

Je ne crois pas que Subban soit au niveau des Erik Karlsson à Ottawa, Tyler Myers à Buffalo ou Drew Doughty à Los Angeles. Mais il est promis à une belle carrière. Peut-être même une grande carrière. Et contrairement à Price, qui n'a pas de successeur en vue, Nathan Beaulieu et Jarred Tinordi frapperont dès l'an prochain à la porte du vestiaire du Canadien.

Tinordi ne sera jamais aussi bon que Subban. Beaulieu? Il a un talent certain. De là à être convaincu qu'il remplacera Subban, il y a un large fossé que je ne suis pas prêt à tenter de franchir. Mais il y a de la relève. D'où la possibilité d'échanger P.K.

Possibilité ne veut toutefois pas dire nécessité. Pas plus qu'échanger ne veut dire donner.

Mais le Canadien serait bête de ne pas considérer la possibilité d'échanger Subban si, en retour, il héritait d'un Eric Staal, d'un Getzlaf ou d'un Kopitar afin de combler la plus grosse lacune du Canadien depuis le départ de Vincent Damphousse en 1999: un premier centre digne de ce titre.

Échanger un joueur comme Subban n'est pas facile. C'est même risqué. Mais ça peut aussi rapporter gros. Les Blues de St. Louis l'ont démontré l'an dernier en obtenant Kevin Shattenkirk, Chris Stewart et un choix de deuxième ronde du Colorado en retour d'Erik Johnson, Jay McClement et d'un choix de première ronde.

Erik Johnson était aux Blues ce que P.K. est au Canadien. Personne ne conteste cette transaction aujourd'hui à St. Louis parce que les Blues ne se sont pas trompés.

D'où le défi réel du Canadien s'il décide d'échanger Subban. Il n'aura pas le droit de se tromper.

Photo: Bernard Brault, La Presse

P. K. Subban