Au hockey comme dans la vie, il y a des questions existentielles auxquelles on a besoin de répondre pour voir clair. Pour aller de l'avant.

Des questions comme «À qui sont les Chiefs?» qui était au centre de l'intrigue de Slap Shot, le véritable film culte sur le hockey.

Depuis qu'il a mis son équipe et, surtout, son grand patron Geoff Molson dans l'embarras sur la patinoire comme dans l'opinion publique en congédiant Jacques Martin le 17 décembre dernier, on s'est plusieurs fois demandé si Pierre Gauthier était le véritable directeur général du club.

La date limite des transactions a donné la réponse. Du moins pour l'instant. Car s'il est clair que c'est Pierre Gauthier qui mène - sous l'oeil approbateur du président et propriétaire -, on est loin de savoir combien de temps encore il mènera.



Faveurs non obtenues

La question suivante s'impose d'elle-même: qui est le véritable entraîneur-chef du Tricolore?

Oui, je sais, c'est Randy Cunneyworth qui est derrière le banc. Avec son pote Randy Ladouceur, qui s'occupe des défenseurs, et le directeur général adjoint Larry Carrière, qui assure le lien entre le bureau des coachs et celui de son vrai boss, Pierre Gauthier et non Cunneyworth comme cela devrait pourtant être le cas.

Mais Cunneyworth a-t-il les coudés franches? Est-ce que les 20 noms qu'il inscrit sur la formation et surtout la façon d'utiliser ces 20 joueurs viennent de lui et de Ladouceur? Ou est-ce que les directives viennent d'en haut?

Cette question rebondit dans ma tête comme les passes des joueurs du Canadien rebondissent sur les lames de leurs coéquipiers en attaque à cinq, depuis que Cunneyworth m'a sorti sa réponse préparée d'avance en marge de l'utilisation généreuse - je me retiens pour ne pas écrire abusive - de Scott Gomez en avantage numérique.

Je ne m'attendais pas à ce que Cunneyworth réponde après la défaite de 2-1 à Tampa que s'il n'en tenait qu'à lui, Gomez ne serait pas des attaques massives. Qu'il serait confiné à quelques présences au sein de son quatrième trio. Qu'il serait carrément laissé de côté.

Mais je n'arrive pas à croire, encore moins à comprendre, que «Cunney», qui était un joueur acharné, intense, dévoué, puisse récompenser ainsi un joueur qui ne mérite pas de l'être.

La crise de Randy Ladouceur il y a quelques semaines à l'endroit du «Gomer» reflétait d'ailleurs beaucoup plus le sentiment de dédain des joueurs fiers qu'étaient Cunneyworth et son adjoint face à l'indolence d'un très haut salarié qui n'affiche plus la moindre conviction sur la patinoire et hors de celle-ci. Pourquoi alors offrir des récompenses pour faveurs non obtenues comme c'est le cas présentement avec Gomez?

Julien a déjà écopé

Randy Cunneyworth est en sursis. En fait, non. Il est condamné depuis la minute où son embauche «par intérim» a été annoncée par Pierre Gauthier et confirmée ensuite par une lettre d'excuse du propriétaire Geoff Molson.

Dans ces circonstances, il serait facile de comprendre Cunneyworth de faire à sa tête, de se ficher éperdument des ordres ou des suggestions pressantes qui lui sont acheminées. Après tout, c'est sa carrière qui est en jeu. Il sera jugé sur ce qu'il aura accompli ou non au cours de son court, mais tumultueux séjour derrière le banc. Si la tendance se maintient, ce séjour ne lui servira pas vraiment de tremplin pour se retrouver derrière l'un des 29 autres bancs de la LNH. Du moins pas à court terme.

Mais ce n'est pas le genre de Cunneyworth.

Comme ce n'était pas le genre de Claude Julien, qui n'a jamais vociféré à l'endroit de Lou Lamoriello lorsqu'il l'a congédié à trois matchs de la fin de la saison régulière et en dépit des 102 points que les Devils affichaient au classement.

Julien s'est bien gardé aussi de cracher au visage du Canadien lorsqu'il a été congédié par un beau samedi matin de janvier 2006.

Mais si vous vous souvenez bien du point de presse qu'il avait accordé quelques jours après la prise de contrôle du duo Bob Gainey-Guy Carbonneau, Julien avait bien sûr remercié le Tricolore de lui avoir offert sa première chance dans la LNH. Mais aussi, mais surtout, de l'avoir laissé diriger pendant une saison et demie même si c'était au cours de sa troisième saison à la barre de l'équipe qu'il venait d'être congédié.

Pourquoi omettre ainsi les 41 derniers matchs de son règne?

Peut-être bien parce que ces 41 derniers matchs, ce n'était pas lui, et juste lui, qui les avait dirigés. Peut-être parce qu'on lui imposait des joueurs à mettre dans l'action et des façons de jouer. D'ailleurs, juste comme ça, est-ce que vous vous souvenez de la première décision de Gainey à titre de coach?

Il avait ramené José Théodore devant le filet pour cette soirée du hockey alors que Claude Julien avait annoncé qu'il suivrait la rencontre du banc.

Julien n'avait pas accepté les suggestions. Il n'avait pas suivi les ordres. Ça lui avait coûté son job. Jacques Martin n'aurait jamais accepté de recevoir des ordres lui non plus. C'est peut-être ce qui lui a coûté son job aussi.

Le saura-t-on un jour?

Parce qu'ils sont eux aussi victimes des insuccès du Canadien cette année, insuccès qui mettent en évidence les erreurs qu'ils ont commises depuis qu'ils partagent le bureau du grand boss des opérations hockey, on peut facilement comprendre que Bob Gainey et Pierre Gauthier tentent de replacer le club en misant sur les joueurs qu'ils ont acquis à fort, voire à très fort prix et qu'ils donnent une marche à suivre.

Après tout, ils tentent eux aussi de sauver leur job.

Mais s'ils croient vraiment que Gomez sauvera leur emploi, ils mériteraient tous deux de ne pas se rendre à la fin de la saison au même titre que Cunneyworth mériterait d'avoir au moins la chance de «coacher» comme il l'entend. Un privilège dont il ne semble pas pleinement profiter en ce moment.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Randy Cunneyworth utiliserait-il Scott Gomez aussi souvent au sein de l'avantage numérique s'il dirigeait vraiment le Canadien?