Elle déborde de potentiel et de talent, cette Lady Gaga. Quel brin de femme - elle mesure à peine 5'2 - fascinant. Quand elle mord avec rage dans une pièce comme Telephone ou quand elle hurle sa peine d'amour derrière un piano pendant Speechless, elle laisse ses 17 500 fans sans voix, merci pour le bon gag ici.

En un claquement de botte haute, la popstar passe d'une Elton John en sous-vêtements brillants à une dominatrice de l'espace, moulée dans du latex noir, un masque futuriste lui bouffant tout le visage. Sur scène, son personnage oscille entre la vamp enragée, voire sado-maso, la fée des étoiles gothique et la petite fille blessée et émue qui pleure sous nos yeux.

 

Côté guenilles, rien d'étonnant: ça ressemble à ce que ces clips léchés nous montrent depuis 18 mois. Tantôt elle porte une cornette de soeur volante, un immense abat-jour ou des épaulettes cloutées ressemblant à des armes de destruction massive. Plus tard, elle se tartine la poitrine de faux sang après qu'un danseur lui eut arraché le coeur dans la pièce Monster. Bonus: elle se badigeonne même le mot Canada sur le bras gauche, toujours avec l'hémoglobine qui lui coule entre les deux seins. Les fans hurlent. Lady Gaga triomphe dans le pseudo-scandale. «Sortez vos pénis, moi j'en ai un gros», crie-t-elle au parterre qui ondule sans arrêt.

Dans cet excentrique carnaval de paillettes et de costumes révélateurs qu'elle a rapatrié au Centre Bell lundi soir, il n'y avait qu'une étoile à cet étrange bal: elle-même (et ses cheveux jaune banane). Et Miss Gaga l'a martelé et martelé: regardez-moi, je vous libère, vous êtes mes petits monstres, j'ai créé ce bal pour vous, afin que vous jouissiez d'un espace de liberté, bla, bla,bla. Ça va, on a compris. On peut danser maintenant?

C'est d'ailleurs ici que ça pa-pa-pa-passe un peu plus difficilement: le tour de chant de la chanteuse new-yorkaise renferme beaucoup trop de pauses inconfortables, de babillage inutile et de discours bourrés de contradictions, qui cassent le rythme du spectacle.

Plutôt étrange, en effet, d'entendre Gaga pleurnicher qu'elle ne veut pas de notre argent, qu'elle se fiche de la richesse, la pauvre artiste ne souhaitant simplement que pondre les meilleures chansons au monde. A-t-elle oublié que son album s'appelle The Fame et qu'il ne parle que de gloire, de champagne, de bling-bling et de célébrité? L'artiste de 24 ans a aussi cette fâcheuse manie de quêter les applaudissements et de les étirer jusqu'à la fatigue de ses fans. Très agaçant.

Désolé chers fans, mais Lady Gaga ne danse pas aussi bien que Madonna. Elle peine dans les chorégraphies plus complexes et on sent la mécanique dans plusieurs de ses mouvements. Malgré son âge respectable, Madonna - d'une forme physique olympique - ne donne jamais l'impression d'être exténuée. Lady Gaga, oui. Et Miss Gaga reprend son souffle lentement. En revanche, elle joue du piano avec furie, et dans toutes les positions imaginables, et possède une voix puissante qui porte pas mal plus que celle de la madone, mettons.

Un bon metteur en scène resserrerait ce Monster Ball et le propulserait dans les ligues majeures des shows d'aréna aux côtés de Justin Timberlake. Car Lady Gaga écrit des bijoux de musique pop, qui sonnent comme des tonnes de brique en direct. Lundi soir, le plafond du Centre Bell a même failli lever pendant Poker Face et Bad Romance. Sans blague. Difficile de résister à autant de groove brut.

Le concept de son ambitieuse tournée, sorte de théâtre musical en quatre actes, est très intéressant. Lady Gaga et ses amis doivent absolument se rendre au bal en traversant la ville, le métro et Central Park. Pendant la première heure, le décor fait penser à Rent avec la Rolls Royce déglinguée et les nombreux escaliers en spirale. Gaga fait même un clin d'oeil au magicien d'Oz en invitant sa troupe à suivre la route du glitter.

Pendant 2h20, la chanteuse pop en met plein la vue et enfile même un costume de reine des glaces, qui bouge grâce à un système mécanique intrigant. Ses vidéos de transition nous la montrent sous toutes ses coutures, dont une séquence un brin osée, qui a été insérée entre The Fame et Love Game, où une Gaga brunette vomit de la peinture turquoise sur une Gaga blondinette.

Bref, on s'emmerde peu dans cet univers flamboyant, inventif et décadent. Et pour ceux qui se posent la question, non, Lady Gaga n'a pas trébuché une seule fois, contrairement à novembre dernier, où elle tombait souvent en bas de ses escarpins.

En attendant la prochaine tournée gagaïenne, qui montera sans aucun doute la barre d'un autre cran pour ses compétiteurs de la planète pop, on a cependant le goût de lui souffler: Gaga Don't Preach. Et Just Dance, s'il vous plaît.