On dit des jeunes de la génération Y qu'ils sont égoïstes, paresseux, bourrés de contradictions, gâtés pourris, allergiques à l'effort et à l'autorité, arrogants, baveux, dépendants de leurs parents, individualistes, infidèles et un peu trop «ti-jos connaissant» pour leurs patrons.

Mais, diantre, possèdent-ils quelques qualités? «Ils sont très attachants», rigole la cinéaste et blogueuse Eza Paventi, 36 ans, qui a scénarisé et réalisé un documentaire de trois heures sur cette cohorte qui réunit près de 1,8 million de Québécois de 18 à 35 ans. Canal Vie diffusera la première tranche de Y Mode d'emploi le mardi 26 octobre à 20 h. Trois grands axes y passeront: le boulot, les relations personnelles et les valeurs.

Parenthèse, ici: la définition de cette génération Y demeure encore floue. Certains experts affirment que les Y ont aujourd'hui entre 20 et 30 ans ou entre 18 et 34 ans, d'autres prétendent que leur année de naissance se balade entre 1977 et 1990. Dans mon livre à moi, et quoi qu'en pense le célèbre démographe David Foot, un Y n'a pas encore franchi le cap de la trentaine.

Voilà, c'est écrit. La première heure de Y Mode d'emploi nous montre six spécimens (Joffrey, Jasmine, Julie, Jean-Sébastien, Alexandre et Sovi) dans leur milieu travail, où ils se pointent souvent en gougounes ou avec une casquette vissée sur le derrière du crâne. Un cauchemar pour les ressources humaines, qui négocient difficilement avec eux. «Plus ils ont l'air déboîté ou défait, plus c'est cool. Ils arrivent comme s'ils avaient eu un accident de vélo», témoigne, dans le documentaire, Alain Gignac, PDG de Nolin BBDO, qui fournit de l'emploi à plusieurs Y.

Les Y se définissent comme une frange imaginative, créative et efficace, mais ne souhaitent pas se tuer à la tâche. Par contre, les privilèges et les avantages découlant de l'expérience et de l'ancienneté, les Y les désirent tout de suite, maintenant, ce qui irrite leurs collègues habitués à un système hiérarchisé. Joffrey, un contremaître à la STM qui n'a que 25 ans, ne se fait pas d'amis quand il distribue des ordres à des mécaniciens (syndiqués) beaucoup plus âgés que lui. C'est simple, «les nouveaux font les tâches les moins intéressantes», résume un des vieux. Pour Joffrey, «ces vieux acceptent mal le changement». Belle source de conflit.

Les témoignages d'experts récoltés par Eza Paventi ont judicieusement été employés: les Y négocient au lieu de faire des sacrifices, ils n'ont pas appris à attendre et ils ne se sont pratiquement jamais fait dire non. D'où les nombreux accrochages avec les baby-boomers, qui eux se sont enlisés dans le travail intensif et la performance à tout prix.

Côté relations amoureuses, les Y se rapprochent plus des baby-boomers époque peace and love que des X. «Dans ma gang, pas mal tout le monde a couché avec tout le monde. Le sexe, c'est quasiment un sport», explique Julie, une des participantes de Y Mode d'emploi. Un autre, Alexandre, révèlera que «la porno, c'est ça qui a fait mon éducation sexuelle». Pour ces Y, la sexualité a été banalisée. Pour le meilleur ou pour le pire?

Évidemment, dresser un portrait d'un groupe hétérogène comporte des risques de généralisation facile: à 20 ans, personne n'agit comme à 30 ans, peu importe la génération à laquelle il s'accroche. Par contre, plusieurs papiers publiés récemment dans les médias américains sur ces Y appuient la démarche amorcée par la documentariste Eza Paventi.

Dans son magazine dominical, le New York Times a posé une question légèrement tendancieuse à la mi-août: pourquoi autant de gens dans la vingtaine refusent-ils de grandir?

Le dossier du New York Times, qui s'étale sur des dizaines de pages, rappelle que les sociologues ont traditionnellement défini la transition vers l'âge adulte en cinq étapes: finir l'école, quitter le domicile familial, devenir indépendant financièrement, se marier et avoir un enfant. En visionnant la série Y Mode d'emploi de Canal Vie, on constate que la majorité de ces Y sont loin d'avoir complété le cycle. Remarquez, on pourrait facilement faire la même remarque à plusieurs trentenaires ou quadragénaires.

De toute façon, cette échelle de progression vers l'âge adulte ne tient plus avec le prolongement de l'adolescence (la fameuse adulescence), l'accessibilité à l'université à tout âge, les enfants boomerang, les Tanguy, etc. Preuve que les Y brassent la cage: ils brisent des modèles établis depuis des décennies.

Fait étonnant: l'auditoire de Canal Vie se compose au quart de 18 à 34 ans, affirme sa vice-présidente à la programmation, Lyne Denault. Comme quoi, oui, les Y peuvent être rebelles au bureau et réfractaires à se faire dicter des codes de conduite, mais ils restent, en quelque sorte, assez traditionnels dans leurs choix télé. Décore ta vie, quelqu'un? Non. Laisse faire, j'vais le faire.

Photo: fournie par Canal Vie

Un portrait juste et intéressant de la génération Y sur Canal Vie.