On a bien senti l'effet de division Star Académie dans le gala de l'ADISQ d'hier soir. D'abord, dans la répartition des trophées: le public a plébiscité en bloc les ex-académiciens Maxime Landry et Marie-Mai, qui tournent dans toutes les stations de radio du Québec et qui vendent des tonnes de copies de leurs CD.

Mais aussi dans l'esthétisme visuel. Cette cérémonie fade et terne a vraiment levé vers 20 h 45 quand la sexy Marie-Mai (moulée dans une splendide robe Denis Gagnon) est apparue sur un échafaudage dans un tonnerre de décibels et de boucane. Ce fut le meilleur numéro de la soirée, mis en scène par Jean Lamoureux, grand manitou des galas de la Star Ac. Devrait-on confier à ce réalisateur talentueux les rênes de tout le gala l'an prochain? Oui, absolument. L'ADISQ a solidement besoin d'un électrochoc télévisuel.

Encore une fois, le fossé s'est creusé entre les choix des téléspectateurs (Mes Aïeux, Star Académie) et ceux de l'industrie (Bernard Adamus, 12 hommes rapaillés, Yann Perreau), ce qui a donné une fête très décalée, très décousue, sans unicité. Pas évident de concocter un gala qui plaira autant au mélomane pointu qu'à l'auditeur typique d'une station comme RockDétente ou Rythme-FM.

Hier, le mélange des deux univers n'a pas été très heureux. Cette 32e remise des prix Félix a démarré sur le neutre et n'a jamais décollé par la suite. C'était une bonne idée - et une efficace façon de brosser un rapide portrait de la dernière année musicale - que d'ouvrir la soirée avec le pot-pourri des 10 pièces en lice pour le Félix de chanson populaire de l'année.

Par contre, pourquoi ne pas avoir joint d'autres voix, dont au moins une féminine, à celles de Marc Hervieux et Maxime Landry? Ça manquait de flamboyance et de glamour ce truc-là. Comme si nous étions au Casino de Montréal, dans une revue quelconque, avec une mise en scène beaucoup trop rudimentaire.

Tout de suite après, le monologue nostalgique de Louis-José Houde, parsemé de quelques gags de mononcles, s'est étiré inutilement. À sa décharge, le public du Théâtre St-Denis ne semblait pas très réceptif et hop la vie. Parlez-en à Marjo - qui a fait une Tina Turner d'elle-même - et au chanteur des Mes Aïeux, Stéphane Archambault. Les deux ont tenté de dérider leurs pairs en poussant quelques gags, qui ont tous complètement tombé à plat, la foule restant de glace. Gros malaise.

Dans le générique d'ouverture, à peu près tous les artistes filmés affichaient un magnifique air de boeuf (allô Coeur de pirate). Hey, les amis, c'est une fête ici, on sourit, on applaudit, merci.

La caméra a aussi balayé plusieurs sièges vides au balcon et durant la soirée, des caméramen ont zoomé plusieurs fois sur le tapis des allées. Grosses gaffes techniques.

Heureusement, le chic humoriste, qui chauffait la salle pour la cinquième année d'affilée, s'est repris rapidement, notamment en dénonçant le site de revente Billets.ca et en lâchant plusieurs blagues efficaces. L'honneur a été sauf, même s'il a déjà été plus en forme sur scène.

Côté remerciements, pour ceux qui ne connaissaient pas la révélation de l'année Bernard Adamus, qui a battu Marc Hervieux et Maxime Landry, c'est lui qui a fini son trop long discours avec un tonitruant «devil câlisse, pis vive la vie». Pour mieux le connaître, écoutez son album Brun. Mettons que l'ami Bernard aurait pu faire un effort pour s'habiller de façon plus élégante.

En pleurs, l'interprète féminine de l'année Marie-Mai a été touchante, tout comme Fred Pellerin, qui maîtrise l'art de bien remercier, ainsi que Yann Perreau, qui nous a fait vibrer dans nos salons. C'est toujours hyper agréable de voir des chanteurs vraiment heureux cueillir des prix.

Parmi les bons numéros musicaux de la soirée, notons Coeur de pirate qui reprend Dans mon corps des Trois Accords et le duo sur Silence entre Elisapie Isaac et Fred Pellerin, sobre et poignant.

Il reste que ce gala court ne passera pas à l'histoire, sans controverse, sans dénonciation, sans gros punch, sans moment jubilatoire, finalement.

Ce que l'on retiendra de cet ADISQ 2010? Les protégés de Julie Snyder ont tout raflé. Et la victoire de la démone blonde ne s'arrêtera pas là. En plus de sa razzia de statuettes à Radio-Canada, les cotes d'écoute de son Banquier à TVA, diffusé en même temps que le gala de Louis-José Houde, vont cartonner et la téléréalité que sa société produit (Occupation double 7) va autant faire surchauffer les audimètres.

On peut dire que ç'aura été un beau dimanche soir pour Julie. Ça, oui. Pour les téléspectateurs qui ont enduré le gala de l'ADISQ, on ne peut malheureusement pas en dire autant.

Photo: François Roy, La Presse

L'humoriste Louis-Josée Houde a chauffé la salle du gala de l'ADISQ pour la cinquième année d'affilée hier soir.