Dans le fond, un débat des chefs, c'est une longue émission de télévision de deux heures, sans pause publicitaire. Et de la télévision, c'est essentiellement de l'image.

Tous les analystes le répètent: fermez le son de votre téléviseur et observez ce qui se passe pendant les discussions. Qui bouge le mieux? Gilles Duceppe. Qui habite le moins bien ses vêtements? Stephen Harper. Qui déboutonne son veston pour se donner un air relax et confiant? Jack Layton. Qui enfouit ses mains dans ses poches? Encore M. Layton.

Des détails superficiels, dites-vous, qui en révèlent pourtant beaucoup. Par exemple, le chef du Bloc québécois flottait dans son costume, tandis que le veston de Stephen Harper l'étranglait. L'aisance physique compte autant que la facilité à s'exprimer.

Bref, l'image joue un rôle capital. Alors pourquoi le consortium des médias se force-t-il, élections après élections, pour nous présenter de la télévision quasi soviétique tellement elle est beige, vieillote et rigide?

D'abord, l'affreux décor gaufré jaune, brun et gris de mardi soir, sorte de croisement entre l'uniforme des Bruins de Boston et un quiz de Télé-Métropole de 1975, n'a pas été modifié. On aurait dit un mur de présentation d'échantillons de peinture chez Rona ou Réno-Dépôt. Difficile de se concentrer sur les thèmes abordés quand cette horreur nous barbouille l'écran.

Mais dites-vous que ces tons neutres n'ont pas été choisis au hasard. S'il avait fallu que l'environnement physique du débat intègre du bleu foncé, du bleu poudre, du rouge vif ou du orange NPD, les partis auraient crié au favoritisme. Avec raison.

Dans une soirée comme celle d'hier, les détails les plus insignifiants prennent de l'importance. Par exemple, Michael Ignatieff et Jack Layton ont réorganisé plusieurs fois les cartons étalés sur leur lutrin. Comme s'ils n'écoutaient plus leurs adversaires une fois leur message passé. Pas une bonne stratégie.

Heureusement, la formule de la table ronde pilotée par Stéphan Bureau en octobre 2008 a été écartée. Trop cacophonique, trop The View. Les échanges avec les chefs debout ont été plus dynamiques, plus fluides. Et les modérateurs Anne-Marie Dussault de la SRC et Paul Larocque de TVA ont été discrets, laissant le plancher unifolié aux quatre ténors.

Côté langue, c'est toujours plus ardu quand trois des quatre chefs parlent d'abord l'anglais. Heureusement, nous n'avons pas eu à subir Elizabeth May cette année. Son incapacité à former des phrases complètes devenait extrêmement pénible à suivre. Autre point agaçant: des rires ont fusé en studio à quelques reprises après l'envoi de répliques cinglantes, dont celle de M. Duceppe: «On se tient debout, bien oui, on n'a pas de siège» à l'UNESCO. On se serait cru à Un gars le soir sur V. Il y a eu aussi des bruits de feux d'artifice à 10 minutes de la fin. Très déconcentrant. Un téléphone cellulaire a même sonné. Franchement.

En terminant, le prix Philippe-Dubuc pour le débatteur le mieux habillé est remis à Michael Ignatieff. Cravate fuchsia, chemise rose, allure décontractée, choix audacieux. Pire cravate: celle de Gilles Duceppe. Dans un décor aussi rococo, était-ce nécessaire de rajouter autant de motifs criards? Non.