«Pis, c'est-tu annulé, Pan Am?» Cette question, lourde, dénuée d'empathie et à la limite malicieuse, on me la pose presque tous les jours. Et chaque fois, elle me hérisse, tel un porc-épic qui sort ses aiguilles.

Comme si plusieurs d'entre vous avaient quasiment hâte que Karine Vanasse rentre en braillant à Montréal et qu'elle aille déverser son amère déception chez Guy A. Lepage avec sa «vraie» famille, nous, les Québécois. Comme si la réussite aux États-Unis, pour une francophone, c'était encore perçu comme une haute trahison à l'égard de la nation. Bon, une autre qui s'est plantée dans sa percée américaine, c'était tellement prévisible, vous entends-je quasiment persifler sur une base quotidienne.

Peut-on seulement se réjouir un instant qu'une actrice de chez nous, belle, talentueuse et déterminée, brille chez nos voisins anglophones, dans un marché plutôt fermé aux artistes s'exprimant avec un léger accent? Que l'envolée de Karine Vanasse dure 8, 12 ou 22 épisodes, peu importe, le fait d'atterrir dans une émission aussi prestigieuse que Pan Am sur un grand réseau comme ABC, c'est déjà un exploit en soi. Peu de vedettes d'ici peuvent griffonner ça dans leur CV.

Ce qu'on lit au jour le jour sur Twitter et dans les journaux, c'est plutôt: Pan Am perd de l'altitude, les cotes d'écoute plongent, les masques à oxygène viennent de tomber, y a-t-il un pilote dans l'avion? Mayday! Tout le monde, il me semble, attend le crash final avec une fébrilité franchement malsaine. Comme si l'accident était prévisible, inévitable: une grande télésérie où joue une Québécoise en heure de grande écoute, pfft, ça ne décollera jamais, c'est clair.

A-t-on fait la même chose avec Caroline Dhavernas, qui a percé avec Wonderfalls sur Fox en 2004, puis dans la série Off The Map à ABC en janvier dernier? Non, pas du tout. Pourtant, Off The Map a dégringolé dans les sondages Nielsen et l'émission a rapidement disparu de la carte, mais personne n'en a fait tout un plat. Alors, pourquoi le traitement réservé à Karine Vanasse me paraît-il différent, plus hostile? Est-ce parce que nous l'avons vue grandir à l'écran et que nous avons peur de la perdre?

Encore aujourd'hui, avoir de l'ambition (et, surtout, le dire publiquement) est mal vu. En entrevue ce printemps, François Arnaud, star de la minisérie The Borgias de la chaîne Showtime, m'a confié: «Je ne vois pas pourquoi je dirais non à un rôle dans un film de Steven Soderbergh pour continuer à jouer dans Caméra café.»

Cette déclaration-choc a beaucoup fait jaser. D'accord, la formulation était peut-être maladroite et baveuse, mais sur le fond, François Arnaud avait raison. Ce n'est pas dénigrer ses collègues québécois que de vouloir, pour un acteur, se frotter à des réalisateurs étrangers et espérer -sacrilège!- rafler un Oscar ou un Emmy. Désirer une carrière hollywoodienne n'équivaut pas à cracher sur ce qui se fabrique ici, loin de là.

C'est peut-être pour cette raison qu'à chacune des entrevues qu'elle accorde à Julie Snyder, Céline Dion ne rate pas une seule occasion de nous rappeler ses origines québécoises modestes et qu'elle se noue presque une ceinture fléchée à la taille, tout en jouant de la cuillère et en barattant son propre beurre. Pour ne pas passer pour une traîtresse, une ingrate qui a décampé à la minute où elle a terminé son cours d'immersion anglaise chez Berlitz.

Nous avons établi une relation bipolaire avec les artistes francos qui s'illustrent au sud de la frontière: on les applaudit tout en en agitant l'index de façon désapprobatrice: tut, tut, n'oublie pas d'où tu viens, OK? Et si tu l'oublies, compte sur nous pour te le rappeler.

Au moment où vous lirez ces lignes, peut-être que la série Pan Am aura été torpillée, qui sait. Pour Karine Vanasse, cette aventure aura été tout sauf un échec. Depuis la mise en orbite de cette émission rétro, elle a jasé avec les filles de The View moulée dans une belle robe Mackage et elle est apparue en lutin coquin dans les pages du magazine Esquire.

Le vol sur les ailes de Pan Am s'arrêtera un jour, mais pas la trajectoire de Karine Vanasse, qui se poursuivra ailleurs. Et encore plus loin.

Je lévite

Avec Le sourire de la petite juive d'Abla Farhoud. Paru en mai chez VLB, ce livre fort sympathique regroupe une série de portraits de résidants de la rue Hutchison, à Montréal, à cheval entre Outremont et le Mile End des juifs hassidiques. En 209 pages bien tassées, l'auteure nous catapulte habilement à l'intérieur d'appartements où grouillent notamment une romancière, un critique redouté, une dépressive accro aux polars et une jeune fan de 12 ans de Gabrielle Roy. Très joli.

Je l'évite

Le rap des Fêtes de Walmart. Des commis qui chantent du hip-hop sur l'air de Fa La La dans les allées d'un magasin? Non, merci. Ça donne simplement le goût de se téléporter au 2 janvier 2012 pour ne plus subir cet assaut musical.