On reproche souvent aux humoristes de ne s'attaquer qu'à des sujets triviaux (du genre : ma blonde pis moi...) et d'éviter systématiquement l'humour politique, l'humour grinçant qui égratigne les institutions. Dans le cas du Bye Bye 2011 - et c'est très paradoxal à écrire -, c'est exactement le contraire qui s'est produit : la revue de fin d'année renfermait beaucoup, mais beaucoup trop de références aux gouvernements fédéral, provincial et municipal.

Après Et Dieu créa... Laflaque, Tout le monde en parle et Infoman, mettons que le téléspectateur radiocanadien avait été gavé de paralumes, de corruption, de gaz de schiste, de Stephen Harper, de Jean Charest et autres Ruth Ellen Brosseau.

En fait, tout ce Bye Bye 2011 royal, clin d'oeil aux obsessions monarchiques du premier ministre canadien, manquait d'équilibre et de gros fun bien gras comme au temps de RBO. Bien quoi ? C'est la soirée du 31 décembre. On a le droit de se taper sur les cuisses en « mettant de la crègne » afin d'oublier, pendant 80 minutes, que nos tunnels et ponts risquent de s'écrouler.

Tous les Québécois festoient à la Saint-Sylvestre et ne demandent qu'à s'esclaffer, pas de se faire égrener un chapelet de problèmes déprimants sur fond de Party Rock Anthem de LMFAO. Le Bye Bye rassemble tout le Québec devant son poste, des téléspectateurs de 7 à 77 ans. Il est donc primordial de ratisser très large. Les plus jeunes et les apolitiques ont dû s'emmerder royalement samedi soir.

Et c'est bien beau de bricoler de l'humour dit politique, mais, au bout du compte, il faut que ça soit drôle, intelligent et bien écrit. Ce qui n'a malheureusement pas toujours été le cas lors de ce dernier clin d'oeil à 2011. Mettons que la subtilité a raté le décompte final.

L'an dernier, le sketch sur Céline Dion, René Angélil et Julie Snyder a été marquant. Dans cette nouvelle mouture mal calibrée, aucun moment fort n'a émergé du magma politico-comique. Visuellement spectaculaire, le Tintin au pays du Plan Nord s'est étiré longuement pour rien, même si la réplique du capitaine Mercier, « tonnerre de big breast », m'a fait éclater de rire. Coupez ! Même chose pour le bootcamp du NPD sur la musique de YMCA : bon flash inutilement allongé.

Les moments les plus rigolos ont été courts et punchés, comme la pub de Farmalpris avec Jacques Duchesneau, le François Légo qui s'ouvre à gauche et à droite, le pastiche de la pub de La Capitale assurance, « Tués par une balle », Tivia Sports, où les commentateurs s'endorment sur un match des Sénateurs d'Ottawa, L'arbitch d'Anne-France More Butter, qui règle ses dossiers avec douceur et fermeté, ainsi que les CD de Jean-Ève Branvier et Vérouis Clourissette (bravo pour l'autodérision).

La portion décapante du bulletin de nouvelles semi-pertinentes, ajoutée en catastrophe pour se raccrocher à l'actualité, rappelait le Weekend Update de Saturday Night Live, et Louis Morissette l'a livrée avec un ton juste assez baveux.

Personnellement, j'ai - bien sûr - adoré la téléréalité Aberration double animée par Pee-Wee Lord. Et Hélène Bourgeois Leclerc a été épatante dans la peau d'Odile, alias Mme Sérieusement. L'ex-Dolorès des Bougon a été la révélation de la soirée. Vraiment, j'aurais aimé voir plus d'Hélène Bourgeois Leclerc dans ce Bye Bye ; une Hélène Bourgeois Leclerc qui s'est avérée plus que parfaite en France Beaudoin « avec le sourire dans la voix ». « Je tape jamais sur le bon beat », disait-elle sur la même note.

Le problème du Bye Bye 2011, c'est que, pour une vignette bien ficelée comme celle de la biographie de Michèle Richard, il fallait se taper de longues saynètes politiques tombant à plat comme l'opération séduction entre Régis Labeaume et Pierre Karl Péladeau. Sans doute pour rentabiliser les magnifiques maquillages, coiffures et prothèses, les politiciens Jean Charest, Stephen Harper et Lucien Bouchard, tous bien campés par Louis Morissette, revenaient beaucoup trop fréquemment.

Véronique Cloutier n'a pas autant brillé que l'an dernier. Sa Coeur de pirate et sa Brigitte Boisjoli ne ressemblaient pas aux vraies. Par contre, sa Nancy d'OD ne pouvait être plus réussie.

Constat similaire pour Joël Legendre, dont les prestations n'ont pas égalé sa Céline Dion de 2010. Son Thomas Mulcair a été fade, son Gérald Tremblay, peu convaincant et son interprétation de Mario Tessier à On connaît la cassette n'a pas été terrible, terrible. Par contre, chapeau pour la personnification d'Amir Khadir, le Capitaine solidaire, le justicier du Québec.

Gros coup de coeur pour les effets spéciaux, qui ont été époustouflants dans le film catastrophe d'ouverture. Belle surprise, également, que l'apparition de Karine Vanasse dans la réclame d'UrinAir avec DSK et Gérard Depardieu.

Conseil, en terminant : l'an prochain, vaudrait peut-être mieux passer moins de temps dans la chaise de maquillage et plus devant l'ordinateur à peaufiner des gags moins lisses et plus rassembleurs.

Julie sert le vin chez Guy A.

Autre gros punch de cette soirée du 31 : l'apparition-surprise de Julie Snyder à Tout le monde en parle, où elle a servi le vin mousseux aux convives. Si Guy A. Lepage et la démone de TVA sont capables de se faire la bise et de s'étreindre, il y a de l'espoir pour les deux Corées, je vous dis.

Le malaise de ces deux heures revient à Marcel Leboeuf, qui n'aide vraiment pas sa cause en tentant de nous vendre les vertus de ses horribles colliers en bois Pur Noisetier. Lâche le morceau, mon Marcel, ça ternit ton image publique. Et la scientifique qui t'accompagnait n'a pas vraiment donné plus de crédibilité à ton produit. L'échange entre M. Leboeuf et André Boisclair a été irréel.

Mais passons. Sinon, les trop nombreux invités ont disposé de très peu de temps pour s'exprimer. J'aurais aimé entendre plus Ruth Ellen Brosseau, qui a réussi à placer deux mots au total. L'histoire de DJ Champion aurait aussi pu occuper plus de temps d'antenne.