Harper, an quatre... L'obsession sécuritaire des conservateurs aurait-elle déteint sur les Canadiens? Si l'on en croit un récent sondage Angus Reid, ils seraient maintenant de plus en plus nombreux à préférer la répression à la réhabilitation, au point de se dire en faveur de la peine de mort!

Plus surprenant encore, c'est au Québec que la tendance est la plus marquée, alors que les Québécois, il n'y a pas si longtemps, se targuaient d'être particulièrement portés à la compassion!

 

Malgré que tous les indicateurs montrent que la criminalité a considérablement baissé, le Canada est maintenant sur la même longueur d'onde que les États-Unis. Et c'est au Québec que l'on trouverait le plus de partisans de la peine de mort.

En août dernier, Angus Reid a sondé 1000 répondants au Canada, autant aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Désolant constat: 62% des Canadiens - et 84 % des Américains - considèrent la peine de mort moralement acceptable dans les cas de meurtre; 31% des Canadiens - et 62% des Américains - la trouvent indiquée dans les cas de viol.

Et au Québec? On trouve 69% de partisans de la peine capitale pour les meurtriers, ce qui ferait des Québécois les pires faucons du pays, eux dont les députés avaient permis au gouvernement Mulroney, en 1987, d'éviter un vote en faveur du retour de la peine de mort. Mince consolation, la marge d'erreur des résultats provinciaux est de 6,1% parce que les échantillons sont plus petits. Peut-être après tout les Québécois sont-ils, dans le meilleur des cas, simplement sur la longueur d'onde du reste du pays... ce qui reste fort troublant.

Quelque 65% des Canadiens (à peu près la même proportion qu'aux États-Unis et en Grande-Bretagne) croient que l'imposition de peines minimales a un effet dissuasif. Dans le même esprit, 62% des Canadiens souhaitent que les sentences carcérales soient allongées. Tous les criminologues vos diront pourtant que c'est faux, et que le criminel est toujours persuadé qu'il ne se fera pas prendre. En outre, il est illusoire de s'imaginer que la multiplication des peines minimales a un effet dissuasif. Au contraire, un jeune condamné à une longue peine de prison pour un délit mineur risque plutôt de s'endurcir, au contact de criminels aguerris. Ne devrait-on pas savoir depuis longtemps que la prison est la meilleure école du crime?

Le plus ironique, c'est que les craintes de la population sont en hausse alors même qu'en réalité, et c'est vrai dans toute l'Amérique du Nord, la criminalité a sensiblement baissé, notamment à cause de la diminution du poids démographique de la catégorie la plus susceptible de recourir à la violence, celle des hommes jeunes.

Alors quoi? L'insistance du gouvernement fédéral sur la répression du crime aurait-elle modelé l'opinion publique? C'est l'hypothèse avancée par le sondeur Andrew Grenville: lorsqu'un gouvernement en fait son thème prioritaire, il alimente la peur. Les experts ne le mentionnent pas, mais on peut se demander si le vieillissement de la population ne constitue pas un autre facteur qui pourrait expliquer les peurs irrationnelles de l'opinion publique, dans la mesure où les personnes âgées sont en général plus craintives.

Selon un expert du monde carcéral, Craig Jones, l'accumulation d'informations sur les menaces terroristes et les catastrophes diverses qui s'abattent sur le monde a pour effet d'instaurer un climat d'insécurité où tout le monde se sent vaguement menacé. En tout cas, si ce sondage reflète la vérité, les Canadiens devront cesser de se croire moralement supérieurs à leurs voisins du sud... et les Québécois devront cesser de regarder de haut les « red necks «.