Je parlais samedi de la démission des politiciens face au devoir de gouverner. Le cas le plus flagrant est celui du maire Gérald Tremblay.

Je parlais samedi de la démission des politiciens face au devoir de gouverner. Le cas le plus flagrant est celui du maire Gérald Tremblay.

Lorsque ce dernier a été réélu à son poste pour un troisième mandat, en novembre dernier, M. Tremblay n'avait aucune raison de ne pas assumer le pouvoir que lui avaient confié les électeurs.

Il avait obtenu une majorité sans équivoque de 38%, avec respectivement six et 13 points d'avance sur ses adversaires Louise Harel et Richard Bergeron. Son parti avait remporté la majorité des sièges au conseil municipal, soit 39 contre 16 pour Vision Montréal et 10 pour Projet Montréal. Or, dans une initiative bizarre et irrationnelle, le maire décidait de partager le pouvoir avec les deux partis de l'opposition qui avaient été clairement répudiés par la majorité.

Plus encore, il se déchargeait du dossier le plus important et le plus délicat de toute administration municipale - celui de l'urbanisme - pour le remettre au chef d'un tiers-parti qui était arrivé troisième et bon dernier dans la course, et qui avait été rejeté par neuf électeurs sur 10!

Cette nomination était d'autant plus aberrante que les positions radicales de M. Bergeron sur l'urbanisme - et ses vues pour le moins farfelues sur nombre d'autres sujets - étaient très connues, et qu'elles allaient à l'encontre de l'approche généralement modérée du maire Tremblay.

Même les gouvernements minoritaires ne partagent pas le pouvoir avec l'opposition. Imagine-t-on Stephen Harper ou Jean Charest, en 2007, confier des ministères-clés à des membres de l'opposition?

L'étrange décision du maire Tremblay n'est aucunement comparable à l'«ouverture à gauche» un temps pratiquée par le président français Nicolas Sarkozy pour déstabiliser l'opposition socialiste. D'abord, ces «transfuges» étaient tous des gens modérés. En outre, M. Sarkozy ne leur avait confié que des responsabilités secondaires.

Comment expliquer que M. Tremblay ait fait entrer l'opposition au comité exécutif? Tout indique qu'il s'était innocemment laissé intimider par ceux qui contestaient sa légitimité en soutenant, sur la base du faible taux de participation, qu'il n'avait été élu «que par 16% de l'électorat». C'était un argument spécieux: la victoire appartient aux votants, et d'ailleurs le taux de participation aux élections montréalaises de 2009 n'avait rien d'exceptionnel, il était même supérieur par plus de quatre points au taux de 2005.

Louise Harel a eu le bon sens de refuser cette offre. Pas Richard Bergeron. On comprend mieux aujourd'hui l'intérêt qu'il avait à entrer au comité exécutif, au risque de se placer en conflit d'intérêts perpétuel, ce qui a été particulièrement flagrant lorsqu'il s'est abstenu de voter sur la vente du couvent Jésus-Marie. On l'a vu, M. Bergeron s'est servi de sa position pour saboter les négociations entre la Ville et le ministère des Transports dans le dossier de l'échangeur Turcot et pour imposer un plan inspiré de l'intégrisme écologique - un plan, notons-le bien, qui n'était jamais apparu dans la plateforme électorale du maire Tremblay.

Dans ce partage du pouvoir, il y avait une double trahison. Trahison des électeurs de M. Tremblay, qui étaient la majorité et dont neuf sur 10 avaient rejeté la candidature de M. Bergeron. Trahison des électeurs de Projet Montréal, qui voyaient leur leader inféodé à l'administration Tremblay et perdaient leur chance de s'affirmer comme force d'opposition autonome. C'était une perversion de la démocratie de représentation.

Quel tandem! D'un côté, un maire velléitaire et influençable. De l'autre, un forcené que rien ne peut arrêter, pas même les appels au bon sens élémentaire. Devinez donc qui va l'emporter?

Le problème, c'est que les Montréalais n'ont jamais voté pour cela.