L'idée d'une coalition entre les libéraux et le NPD a recommencé à flotter dans l'air, à la faveur de ce qui vient de se passer en Grande-Bretagne et des mauvais résultats du PLC dans les sondages.

L'idée d'une coalition entre les libéraux et le NPD a recommencé à flotter dans l'air, à la faveur de ce qui vient de se passer en Grande-Bretagne et des mauvais résultats du PLC dans les sondages.

Bob Rae, le numéro deux du Parti libéral, a évoqué avec nostalgie les beaux jours où, alors chef du NPD ontarien, il avait formé une coalition avec les libéraux de David Peterson. Jean Chrétien, un proche de M. Rae, a déclaré à la CBC: «Si c'est faisable, faisons-le!» Michael Ignatieff, qui ne sait plus sur quel pied danser, a réagi en disant qu'une telle coalition serait «parfaitement légitime»...

Tout ce joli monde a les yeux fixés sur la Grande-Bretagne, où règne maintenant un gouvernement de coalition entre les conservateurs et les libéraux-démocrates. Mais comme le leur a fort opportunément rappelé Stephen Harper, la coalition britannique s'est faite entre le parti qui avait recueilli le plus grand nombre de sièges et un tiers parti. Une coalition entre le PLC et le NPD sous un gouvernement conservateur minoritaire serait «une coalition de perdants». Or, les coalitions se scellent normalement entre un gagnant et un perdant, les deux y trouvant leur compte : le premier, l'assurance de gouverner dans le calme et la stabilité, et le second, la possibilité de faire avancer ses idées en participant au gouvernement.

La seule coalition envisageable entre nos deux partis d'opposition canadiens serait dans l'éventualité où les libéraux formeraient un gouvernement minoritaire. On en est bien loin!

Il n'y a qu'à voir les sondages. Les tories plafonnent dans la zone minoritaire, mais les libéraux traînent misérablement très loin derrière, dans la zone noire où les avait emmenés Stéphane Dion, qu'on avait pourtant cru être le pire chef de toute l'histoire du glorieux parti des Laurier et des Trudeau.

Pour des raisons assez mystérieuses, M. Ignatieff semble incapable d'imposer son leadership sur le parti et d'apparaître aux yeux des électeurs comme un futur premier ministre. Mais la solution d'une coalition pré-électorale avec le NPD serait la pire des solutions... et en même temps celle dont Stephen Harper serait le premier à se réjouir secrètement, car elle lui assurerait probablement une victoire sans équivoque, peut-être même la majorité absolue.

Oublions la fusion, dont personne ne veut. Mais à trop se coller sur le NPD, les libéraux perdraient ce qui fut leur force historique en même temps que leur unique chance de regagner un jour le pouvoir: l'occupation du centre-gauche.

En s'alliant à un parti qui se réclame encore du socialisme, le PLC se classerait carrément à gauche, alors que l'électorat canadien vote toujours autour du centre. Rejoindre le centre, ce fut d'ailleurs toujours la tendance naturelle de M. Ignatieff, qui, du moins à ce chapitre, a manifestement de meilleurs instincts que l'ancien néo-démocrate Bob Rae. Laisser le parti de M. Harper occuper tout le centre à partir du centre-droit où il loge? Mais ce serait lui faire un cadeau inimaginable !

Et comment le PLC et le NPD se répartiraient-ils les circonscriptions? Le PLC renoncerait-il à tout ce qui se trouve à l'ouest du Manitoba sous prétexte que le NPD est mieux implanté dans l'Ouest? Ce serait, de la part des libéraux, une folie que de renoncer à la dimension nationale de leur parti. Encore ici, M. Ignatieff avait un bon instinct quand il a tenté de se rapprocher de l'Alberta et de la Saskatchewan : même si le défi est quasiment insurmontable, c'était rester fidèle à la vocation première du Parti libéral que d'essayer de se réimplanter en territoire hostile.