Le Parti québécois assujettira les cégeps à la loi 101? Ne pariez pas votre meilleure chemise là-dessus. Il reste encore presque un an avant que cette proposition ne se rende au congrès du parti, et mon petit doigt me dit que les poids lourds du PQ vont tout faire pour qu'elle soit battue.

Le Parti québécois assujettira les cégeps à la loi 101? Ne pariez pas votre meilleure chemise là-dessus. Il reste encore presque un an avant que cette proposition ne se rende au congrès du parti, et mon petit doigt me dit que les poids lourds du PQ vont tout faire pour qu'elle soit battue.

La raison n'a rien à voir avec les allophones, que le PQ ne courtise pas. Mais interdire aux francophones l'accès aux cégeps anglais? Voilà qui serait une mesure fort impopulaire. Car il n'y a pas d'échappatoire: un gouvernement ne peut logiquement forcer les immigrants à fréquenter les cégeps français sans exiger la même chose des élèves de langue maternelle française.

Il est vrai que seulement 4% des francophones de souche fréquentent un collège anglais. Mais 4%, dans un groupe qui constitue 80% de la population, cela représente plus d'étudiants que 40 % dans la fraction minuscule que constituent les allophones et les immigrants.

Ce n'est pas sans raison que tous les premiers ministres péquistes se sont refusés à soumettre le réseau collégial à la loi 101. Leur calcul, intelligent, était qu'après avoir fait toutes ses études primaires et secondaires en français, un immigrant a appris le français suffisamment pour en faire, s'il le veut, sa langue d'usage pour le reste de sa vie. Ce n'est pas deux ou trois ans de plus, effectués au surplus sous la contrainte, qui changeraient la donne.

Mais surtout, les leaders péquistes ont toujours senti qu'il serait électoralement périlleux de restreindre le libre choix des francophones qui veulent désespérément que leurs enfants apprennent l'anglais. Un cours collégial en anglais est une solution - certainement pas idéale, mais en tout cas moins onéreuse que celle d'envoyer ses enfants dans des colonies de vacances ontariennes ou américaines.

Il faut aussi compter avec les étudiants qui, à cet âge, ont leurs opinions, et qui pourraient se rebiffer à l'idée d'être privés de la liberté de choisir leur institution d'enseignement collégial.

Même si la plupart des francophones s'orientent tout naturellement vers des cégeps français - à plus forte raison, faute de choix, en dehors de la région montréalaise -, les francophones de vieille souche, la clientèle par excellence du PQ, tiennent fort probablement à garder la possibilité d'exercer leur libre choix. Il suffira qu'on le leur retire pour que soudain le collégial anglais se pare des attraits propres au fruit défendu.

D'ailleurs, n'y a-t-il pas matière à se réjouir dans le fait que même en ayant le choix, plus de 60% des allophones optent pour un cégep français? Leur proportion a même augmenté, de 54,4% en 1999, à 57,9% en 2003, et à 63% en 2007. Seuls les pessimistes invétérés trouveront à se plaindre d'un pareil résultat.

Pauline Marois elle-même a souvent laissé transparaître ses réticences à l'idée d'assujettir le réseau collégial à la loi 101. Mais il faut dire qu'en la matière, la chef péquiste n'a pas les idées très claires. N'a-t-elle pas déjà proposé, dans une gaffe historique, que les élèves francophones apprennent la langue seconde par le biais de cours d'histoire et de géographie en anglais? Seule une unilingue irrécupérable peut s'imaginer que la meilleure façon d'apprendre l'anglais est de le faire par l'intermédiaire de matières au programme (et en histoire par-dessus le marché!).

On se demande aussi pourquoi Mme Marois n'a pas encore osé définir publiquement sa position sur cette question. Craint-elle tant les opprobres de la minorité radicale du parti? Mais à quoi sert un leader si ce n'est à exercer du leadership?