Sept ans! Ce fut la guerre la plus injustifiée de notre époque, et la plus longue aussi: trois ans de plus que la Première Guerre mondiale, un an de plus que la seconde! Et tout cela pour quoi? Pour rien. Ou plutôt non. Il y a un résultat, et il est catastrophique.    

Cette guerre d'Irak qui vient officiellement de prendre fin n'aura fait qu'accroître la misère du monde. Plus de 4400 morts chez les Américains, plus de 100 000 chez les Irakiens, sans compter les mutilés, les endeuillés et les traumatisés.

Le pays est plus instable que jamais. Cinq mois après les élections, l'Irak n'a toujours pas de gouvernement, les différentes factions étant incapables de former une coalition. Près de deux millions d'Irakiens se sont exilés, et cela comprend évidemment les plus instruits, ceux qui avaient les moyens de partir.

L'Irak a perdu les élites qui pourraient assurer sa reconstruction, alors que ce pays, même sous la dictature sanguinaire de Saddam Hussein, avait un taux de scolarisation bien supérieur à la moyenne du monde arabe. Les fanatismes religieux sont remontés à la surface alors que sous Saddam, l'Irak était une société à peu près laïque. Les Kurdes, protégés par les Américains qui les ont installés dans une situation de quasi-autonomie, se sont recyclés dans la contrebande de pétrole vers l'Iran, alimentant en or noir le régime belliqueux d'Ahmadinejad... un régime qui représente, pour l'Occident, une menace beaucoup plus sérieuse que ne le fut jamais celui de Saddam.

Alors que les troupes américaines se retirent, la violence sectaire a recommencé à déchirer le pays. Juillet avait été un mois particulièrement meurtrier, avec plus de 500 morts, et à la fin du mois d'août, le bilan s'était encore alourdi, avec des attentats successifs à Bagdad, Bassora, Ramadi et Fallouja. Les 50 000 soldats américains laissés sur place ne suffiront pas à la tâche de «maintien de la paix» -une expression bien fautive en l'occurrence puisque l'Irak n'a jamais été en paix depuis sept ans.

Cette guerre catastrophique n'en était pas une, d'ailleurs. Il s'agissait d'une invasion pure et simple, laquelle a provoqué -n'était-ce pas à prévoir?- une réaction de résistance nationaliste conjuguée à des attentats et des guérillas urbaines alimentés par le fanatisme religieux.

Cette invasion, rien ne la justifiait. L'Irak n'avait aucun lien avec Al-Qaeda et n'avait rien eu à voir avec les attaques du 9-11. Saddam Hussein ne disposait pas d'armes de destruction massive. La seule justification relevait de l'utopie la plus délirante : les penseurs de cette guerre, les Wolfowitz et cie, croyaient qu'en renversant Saddam, on ferait de l'Irak une sympathique démocratie, ce qui amorcerait un effet domino dans la région!

C'est exactement le contraire qui s'est produit: à jamais déstabilisé, l'Irak est devenu un autre foyer du terrorisme islamiste, les sunnites et les chiites s'entretuant avec une égale ferveur. Le séparatisme kurde, revigoré par l'offensive américaine, risque d'enflammer les minorités kurdes de la Turquie, de l'Iran et de la Syrie, qui rêvent elles aussi à l'établissement d'un grand Kurdistan. Voilà un autre facteur de déstabilisation dans une région qui en contenait déjà bien d'autres.

La guerre d'Irak a également eu pour effet de compromettre, dès le départ, le succès de l'intervention en Afghanistan -une intervention justifiée celle-là, dans la mesure où le pays servait de rampe de lancement à Al-Qaeda. Écartelées entre deux missions extrêmement difficiles, les troupes américaines ne suffisaient plus à la tâche. Les renforts envoyés en Irak in extremis allaient réduire d'autant l'effort de guerre en Afghanistan, pendant que les talibans reconstruisaient leurs forces avec l'aide des frères pachtounes du Pakistan... Joli résultat, oui vraiment.