Le paternalisme n'est pas mort, comme le montre le jugement de la Cour d'appel qui stipule que les conjoints de fait ont droit à une pension alimentaire non seulement pour leurs enfants, mais aussi pour eux-mêmes. Pourquoi traiter les femmes comme des mineures incapables d'assurer leur avenir et de faire la différence entre mariage, union civile et union de fait?

Le paternalisme n'est pas mort, comme le montre le jugement de la Cour d'appel qui stipule que les conjoints de fait ont droit à une pension alimentaire non seulement pour leurs enfants, mais aussi pour eux-mêmes. Pourquoi traiter les femmes comme des mineures incapables d'assurer leur avenir et de faire la différence entre mariage, union civile et union de fait?

En effet, derrière la terminologie neutre du jugement, c'est bien des femmes qu'il s'agit, comme nous le rappellent pieusement les trois juges au dossier. Et cela, en 2010, alors que les jeunes femmes s'instruisent davantage que les jeunes hommes, et que les prochaines générations verront peut-être une majorité de couples où c'est la femme qui gagne le plus d'argent!

Comme trop de jugements qui forcent la main des élus, celui-ci évacue la responsabilité individuelle au profit d'un protectionnisme désuet.

Les couples qui ont choisi de ne pas se marier l'ont fait consciemment. Ce n'est pas parce que le tiers des couples québécois sont en union de fait qu'il faut vider le mariage de sa substance en cédant aux conjoints non mariés des «avantages» qui découlent non pas de l'infériorité économique de l'un par rapport à l'autre (comme le prétend le juge Beauregard), mais de la nature même du mariage, qui est un engagement plus profond que la simple union de fait, un engagement basé non seulement sur l'amour, mais aussi sur l'entraide et le partage.

C'est précisément pour cela que les gais se sont tant battus pour y avoir droit : parce que le mariage représente un engagement spécial, visible et officiel.

Beaucoup de couples ignorent la différence entre l'union de fait, l'union civile et le mariage? Outre que nul n'est censé ignorer la loi, le problème, ici, n'est pas dans la loi, mais dans l'information.  

Ce jugement présuppose que la femme est bêtement tombée dans le concubinage sans se rendre compte des conséquences, ou alors qu'elle a été incapable de convaincre son partenaire de l'épouser, à tout le moins de signer un contrat d'union civile assurant un partage équitable des biens en cas de rupture ou de décès. Mais la femme ne devrait-elle pas, autant que l'homme, prendre la responsabilité de ses actes? Si Madame renonce à l'autonomie financière qui est le fondement de sa liberté, ou si Madame s'obstine à vivre avec un égoïste qui refuse le mariage seulement pour protéger son magot, eh bien, ce sont des choix malheureux, mais ce sont ses choix.

Oui, les enfants souffrent indirectement quand leur mère, après la rupture d'une union de fait, se retrouve personnellement appauvrie. Mais pourquoi encourager l'irresponsabilité? Quand on fait des enfants, le premier devoir d'un parent n'est-il pas de prévoir l'avenir en cas de séparation ou de décès?

Il y a, bien sûr, des femmes qui sont dans la dépendance absolue, mais on ne fait pas les lois en fonction d'une minorité incapable de prendre son destin en main, pas plus qu'on ne règle les feux de circulation piétonniers sur la marche des gens qui souffrent d'un handicap lourd.

Ce jugement ouvre la porte aux profiteurs de tout acabit, puisqu'il pourrait suffire d'une cohabitation d'un an ou deux pour que le conjoint le plus riche se trouve forcé de payer une pension alimentaire ad vitam aeternam. On peut croire que les juges refuseraient de sanctionner ce genre d'escroquerie... mais on le sait, la magistrature n'est pas une garantie de bon sens.

RENAUD-BRAY - Impardonnable oubli dans ma chronique de mardi, qui portait sur l'absence de lieux de culture française au centre-ville de Montréal : la grande et belle librairie de Renaud-Bray, Place Ville-Marie (entrée Université-Cathcart) s'est ajoutée à celle, plus excentrée, du Complexe Desjardins.