En route pour les présidentielles de 2012, Nicolas Sarkozy a eu recours à la stratégie classique des leaders en difficulté: comme l'indique son remaniement de dimanche, il revient à sa base, s'appuyant sur des valeurs sûres susceptibles de reconquérir son électorat traditionnel.

En route pour les présidentielles de 2012, Nicolas Sarkozy a eu recours à la stratégie classique des leaders en difficulté: comme l'indique son remaniement de dimanche, il revient à sa base, s'appuyant sur des valeurs sûres susceptibles de reconquérir son électorat traditionnel.

Fini, l'ouverture à gauche, avec le départ des figures symboliques qu'étaient Bernard Kouchner et Fadela Amara.

Le premier avait hérité d'un ministère de pacotille, dans la mesure où le président de la République est le vrai patron des Affaires étrangères. (La fidèle Michèle Alliot-Marie s'est en quelque sorte sacrifiée en acceptant de lui succéder, peut-être en échange de la nomination de son conjoint Patrick Ollier au cabinet.) La seconde, en militant pour la candidature de Jean-Louis Borloo au poste de premier ministre, s'était aliéné François Fillon, reconduit à son poste après la compétition épique qui l'a opposé aux flamboyants (mais imprévisible) Borloo, l'un des centristes ralliés à l'UMP.

Fillon, homme sobre, discret et appliqué qui est tout ce que Sarkozy n'est pas, sera donc le pivot d'un gouvernement qui revient au port après s'être aventuré dans les chemins hasardeux de l'ouverture à gauche.

Le coup était spectaculaire au départ, mais finalement, n'aura servi qu'à agacer l'UMP sans par ailleurs apporter une seule voix de gauche dans l'escarcelle du gouvernement. Les «transfuges» (Kouchner, Besson, etc.) ont tous perdu leur crédibilité à gauche, pendant qu'à l'UMP, députés et militants rageaient de se voir écartés au profit de l'adversaire.

Retour d'un gros canon, Alain Juppé au ministère de la Défense, les autres poids lourds étant Brice Hortefeux (Intérieur et Immigration) et Christine Lagarde qui reste à l'Économie. Exit Éric Woerth, qu'on ne pouvait rétrograder pendant qu'il gérait l'explosif dossier des retraites, mais que son rôle trouble dans la retentissante «affaire Bettencourt» avait transformé en boulet.

Exit également Rama Yade, que ses piques à l'endroit du gouvernement avaient rendu aussi populaire dans l'opinion publique qu'impopulaire dans les cercles du pouvoir. La «diversité» n'est symbolisée, aujourd'hui, que par Jeannette Bougrab, une militante pour la laïcité d'origine algérienne, plus fiable aux yeux de l'Élysée parce qu'elle vient du sérail de l'UMP et ne risque pas de faire des éclats.

Repli à droite, donc, et recours à la prudence. Nicolas Sarkozy, dont la cote de popularité baisse d'année en année, n'avait guère le choix. Il lui faut récupérer la totalité de son électorat, grignoté sur son flanc droit par le Front National. Ce remaniement s'inscrit dans une série de mesures destinées à contrer la remontée du FN, comme l'expulsion des Roms et l'accent mis sur la «sécurité».

Le FN, que Sarkozy avait habilement torpillé lors des présidentielles de 2007, est redevenu dangereux depuis que le vieux chef Jean-Marie Le Pen a cédé la place à sa fille Marine, une jeune femme télégénique qui projette une image de modernité.

Sarkozy doit lui aussi se refaire une image. Il compte sur la présidence du G20, qu'il assumera à la suite de Stephen Harper, et qui lui fournira moult occasions de briller sur la scène internationale pendant que François Fillon s'occupera de l'intendance.

Quel sera son adversaire en 2012? Dominique Strauss-Kahn, s'il renonce à son luxueux train de vie à la tête du FMI, serait une plus grosse pointure que la chef du Parti socialiste, Martine Aubry. En revanche, le PS peut toujours compter au second tour sur les voix de l'extrême-gauche et des écologistes. D'où la nécessité, pour Sarkozy, de se rallier l'électorat frontiste, qui constitue son unique réservoir de votes à part les centristes, dont l'appui est d'autant plus aléatoire que Jean-Louis Borloo mijote sa revanche...