Le Québec est-il tombé sur la tête? Le nouveau credo laïc, aussi absolutiste et rigide que l'était l'ancienne croyance catholique, s'étend maintenant jusqu'aux garderies... et les contorsions auxquelles se livre à ce chapitre le gouvernement Charest sont d'un loufoque à faire pleurer.

Bienvenue à Orwell dans le monde innocent des tout-petits.

On connaît l'origine de ce nouveau chapitre dans l'histoire tordue de nos rapports avec la religion. Il y a quelques mois, un reportage alarmiste dénonçait le fait que des garderies privées (subventionnées) juives et musulmanes «endoctrinaient» les enfants. Le gouvernement, échaudé par la fameuse «crise» du financement des écoles juives, ne perd pas de temps. L'heure est grave et le scandale innommable, il faut agir!

Et voici la ministre Yolande James qui s'amène avec un cahier de directives hallucinantes dont la trame est très visible sous l'emballage de neutralité bien-pensante: il s'agissait essentiellement de réprimer les garderies juives et musulmanes pour prévenir une autre crise d'hystérie collective, mais pour ne pas être accusé d'intolérance, on fait aussi passer les garderies chrétiennes à la moulinette.

Mme James nous explique qu'il faut distinguer «culture» (acceptable) et «religion» (inacceptable), et elle a l'air de penser que ce sera facile.

Les 85 inspecteurs du ministère de la Famille, dont le nombre a été triplé pour les besoins de la cause, vont devoir se creuser drôlement les méninges. Ils seront tellement occupés à distinguer «culture», «coutume», «religion» et «tradition», qu'il ne leur restera plus de temps pour sévir contre les abus sexuels.

Ainsi, les sapins de Noël seront autorisés - c'est «culturel», dit la ministre, au mépris du fait que Noël est la deuxième plus grande fête de la chrétienté. Le même tour de passe-passe que pour le crucifix de l'Assemblée nationale dont nos politiciens veulent nous faire croire qu'il n'a aucun rapport avec la religion! Fort bien, mais s'il y a une étoile ou des anges sur le sapin, la garderie perdra-t-elle ses subventions?

Les menoras juives seront autorisées, car le gouvernement, dans sa magnanimité, permet que quelques objets à teneur religieuse (mais «en petit nombre», prévient le règlement) soient exposés. Par contre, on ne pourra pas expliquer aux enfants la raison pour laquelle on allume une bougie par jour. Pas d'allusion non plus au sabbat ni au ramadan, même si les petits musulmans vivent dans des foyers où les adultes cessent de manger quand il fait jour.

La crèche? Permise... mais l'éducatrice ne pourra dire aux enfants qui est le petit bébé dans la mangeoire.

Interdits aussi les jeux célébrant l'Aïd musulman, les cantiques de Noël, les chants de Hanoukka. La semaine de Noël, la garderie Don Bosco, sous l'influence de parents terrifiés, a appliqué les directives du ministère six mois avant qu'elles ne deviennent obligatoires! Les enfants, au lieu de chanter Les anges dans nos campagnes, ont entonné une ballade insipide de Bing Crosby.

Question: «Rudolph, le petit renne au nez rouge» sera-t-il autorisé? Certes, le héros est un animal, donc un être areligieux, mais il a un lien avec le père Noël, lequel a un lien avec la fête de Noël...

Cerise sur le sundae: les prêtres, imams ou autres rabbins auront le droit de visiter les garderies... à condition qu'ils ne parlent pas de religion!

Suprême ironie, ces directives idiotes sont en contradiction totale avec le système scolaire québécois, qui autorise les écoles confessionnelles subventionnées à enseigner la religion à condition qu'elles respectent le régime pédagogique. Pourquoi cette exception pour les garderies?