À une époque où la politique attire si peu de gens, on n'a pas envie de houspiller les rares citoyens qui veulent s'engager dans le débat public. Mais quand même... Tout ça pour ça? Des mois de «suspense» - suspense entretenu, faut-il dire, par les médias -  pour en arriver à ce «manifeste» bourré de clichés qui ne contient pas l'ombre d'une idée neuve?

À une époque où la politique attire si peu de gens, on n'a pas envie de houspiller les rares citoyens qui veulent s'engager dans le débat public. Mais quand même... Tout ça pour ça? Des mois de «suspense» - suspense entretenu, faut-il dire, par les médias -  pour en arriver à ce «manifeste» bourré de clichés qui ne contient pas l'ombre d'une idée neuve?

Il n'y a rien, dans cette série de propositions, qui ne pourrait apparaître dans la  plateforme électorale du PQ, du PLQ ou de l'ADQ.

La priorité à l'éducation, l'encouragement à l'innovation, la protection du français, l'intégration des immigrants, l'assainissement des finances publiques, la promotion de la médecine familiale... non mais sérieusement, quelle est la raison d'être de ce «document fondateur» (sic) qui ne fait que reprendre les voeux pieux les plus éculés de notre petit monde politique?

La seule proposition vraiment originale est farfelue et serait inapplicable. La coalition voudrait procéder à une augmentation de salaire massive des enseignants, de l'ordre de 20% ou 30% si l'on en croit les informations précédant le lancement!

Le tandem Legault-Sirois s'imagine-t-il vraiment que la médiocrité de la formation et le décrochage scolaire tiennent à une question de rémunération? Même les leaders syndicaux enseignants les plus excités n'auraient jamais osé réclamer pareil privilège.

Pourquoi les enseignants? Ou plutôt, pourquoi pas les infirmières, les traducteurs, les géologues ou les ambulanciers, et tant qu'à y être, les médecins qui sont la catégorie entre toutes dont la rémunération est inférieure à la moyenne canadienne, ce qui n'est pas du tout le cas des enseignants?

Le détail n'apparaît pas dans le manifeste, mais M. Legault et ses partenaires ont déjà laissé savoir que l'augmentation des salaires des enseignants proviendrait des économies réalisées par l'augmentation des tarifs d'Hydro-Québec. Pourquoi diable une taxe dédiée qui ne profiterait qu'à une partie des employés de l'État?

Il faut dire que ce serait un don conditionnel à l'évaluation des enseignants, M. Legault ressuscitant sa vieille marotte de comptable, celle des «indicateurs de performance» qu'il avait voulu appliquer aux hôpitaux et aux universités quand il était ministre.

Abolir la permanence pour les enseignants? Aucun gouvernement n'a recouru à pareille mesure, et pour cause. Qui les évaluerait? Le directeur de l'école? Ils s'évalueraient entre eux ? Et en fonction de quoi? En fonction de sondages faits auprès des enfants? En fonction de la réussite des élèves? On voit d'ici le résultat : les notes seraient réévaluées à la hausse, et les standards, à la baisse!

M. Legault rêve en couleurs: «Les enseignants compétents et motivés n'auront pas à s'inquiéter», disait-il hier en conférence de presse. Mais dites-moi, comment va-t-on faire le tri entre les «compétents-motivés» et les autres, que M. Legault voudrait envoyer au recyclage ou au diable vauvert? La CSQ, pas folle, ne s'y est pas trompée: le bâton est beaucoup plus gros que la carotte...

Quant au reste, on baigne dans les généralités. S'unir plutôt que se diviser, retrouver la confiance, décentraliser, responsabiliser, favoriser l'entrepreneurship, attirer les sièges sociaux, et patati et patata... pas une suggestion concrète, rien qui risquerait d'offenser qui que ce soit, on est vraiment ici dans un extrême-centre insipide, inodore et sans saveur, tellement insignifiant qu'on ne peut être ni pour, ni contre.

Le recours au vieux truc adéquiste pour éviter la question nationale - on n'en parle plus, on oublie ça! - est de la même eau.

Et c'est cela que M. Legault appelle «un plan ambitieux» proposant «des changements majeurs»?!