Qu'on se le dise: désormais, aucune victime d'agression sexuelle n'osera dénoncer son agresseur s'il s'agit d'une célébrité, par crainte de se voir infliger l'odieux traitement que subit actuellement la jeune femme de chambre qui a dénoncé Dominique Strauss-Kahn.

Qu'on se le dise: désormais, aucune victime d'agression sexuelle n'osera dénoncer son agresseur s'il s'agit d'une célébrité, par crainte de se voir infliger l'odieux traitement que subit actuellement la jeune femme de chambre qui a dénoncé Dominique Strauss-Kahn.

Son identité est maintenant connue partout. C'est la presse française, tout à sa fureur de voir son ex-présidentiable humilié par les vilains Américains, qui a parti le bal. On a livré au public son nom, le prénom de sa fille (une ado de 15 ans!), son adresse, son histoire personnelle - impeccable au demeurant: une employée modèle, une femme sans histoire, tranquille et réservée... mais soyez sûrs que les avocats de DSK, avec les moyens considérables dont ils disposent, sont déjà à l'oeuvre pour dénicher quelque chose qui cloche dans son passé.

Les grands médias américains ont respecté la règle qui préserve l'identité des victimes alléguées d'agressions sexuelles (autrement, ils auraient été accusés d'outrage au tribunal), mais le mal est fait. Cette immigrante guinéenne de 32 ans voit désormais sa vie ravagée. Le ciel lui est littéralement tombé sur la tête. Elle savait avoir eu affaire à un homme important, ne serait-ce qu'en raison du luxe de la suite où il logeait, mais elle ignorait qui il était. C'est son frère qui le lui a appris, quand elle l'a appelé en pleurant de l'hôpital en disant: «Il y a quelqu'un qui m'a fait du mal».

Mme D. n'était pas une battante endurcie, elle n'était pas une serveuse de discothèque habituée au harcèlement sexuel. C'était une femme de chambre à son affaire, qui plus est, une musulmane qu'on dit «pieuse». Le traumatisme, si sa version est exacte, doit être énorme.

Pour les musulmans conservateurs, une agression sexuelle constitue une honte qui rejaillit sur la famille et le clan, une honte dont la femme est toujours responsable. Pour effacer la souillure, certaines sociétés intégristes vont jusqu'à lapider la femme violée... en absolvant l'agresseur.

Mme D. se terre maintenant, sous la protection de la police. Elle ne peut retourner ni à son appartement, ni à son travail. Non seulement risque-t-elle d'être mal vue par les éléments les plus réactionnaires de la communauté américano-guinéenne, elle affronte en outre l'hostilité larvée d'une vaste foule, surtout française, qui la soupçonne d'avoir inventé cette histoire, ou pire, d'avoir monnayé un faux témoignage.

En prime, elle a eu droit à la goujaterie de l'un des avocats de Strauss-Kahn: «Elle est très peu séduisante»... comme si seules les beautés hollywoodiennes étaient dignes d'être agressées par des hommes distingués!

La plupart des leaders socialistes français ont réagi avec une admirable sobriété, mais la réaction d'une partie des élites françaises a été consternante. On n'a pensé qu'à l'honneur national, on a même eu le culot de prétendre que le système judiciaire américain bafoue les droits des prévenus, alors que la France, à ce chapitre, a l'un des pires bilans du monde développé.

Qui, à part les féministes, s'est soucié de la victime? Qui, dans cette gauche bien-pensante qui distribue partout des leçons de morale, prétend défendre les immigrés et se gargarise du principe d'«égalité», qui donc a pensé à l'effarante distance sociale qui sépare l'un des hommes les plus puissants du monde de la petite travailleuse qui ramasse les draps sales et nettoie les cuvettes des toilettes?

Répétons-le, la présomption d'innocence existe pour tout le monde. Mais en attendant que la lumière se fasse, il ne fallait pas dévoiler l'identité de l'accusatrice. Sans l'assurance qu'elles ne seront pas jetées en pâture à l'opinion publique, combien de victimes de viol oseraient dénoncer leurs agresseurs?