Tout à l'euphorie de leur surprenante victoire, les néo-démocrates n'ont pas profité de leur congrès du week-end dernier pour moderniser leur parti.

Le préambule du NPD le décrit toujours comme socialiste, et une résolution engageant les délégués à opter plutôt pour la social-démocratie a été transmise, presque sans débat, à la direction pour études ultérieures... ce qui est une jolie façon d'enterrer la chose.

Le NPD est l'un des rares partis socialistes du monde démocratique à ne jamais avoir fait son «aggiornamento», quoiqu'il soit devenu, dans les faits, un parti social-démocrate.

Le NPD ne croit plus aux nationalisations, il accepte les règles du marché, il a cessé de considérer le profit comme un outil diabolique servant à écraser le peuple, il utilise rarement la terminologie incendiaire de la lutte des classes et il a mis la pédale douce sur son antiaméricanisme primaire. Bref, le NPD est, en réalité sinon en théorie, un parti social-démocrate. Pourquoi diable ne pas le dire clairement?

Ce n'est pas qu'une banale question de sémantique. Cette étiquette lui nuira auprès des électeurs centristes qu'il lui faudra attirer aux prochaines élections (le miracle québécois du 2 mai ne se répétera plus!). La marque «socialiste» risque également de tuer dans l'oeuf toute possibilité de fusion avec le Parti libéral, à supposer que cette idée, pour l'instant en veilleuse, remonte un jour à la surface.

Plus grave est l'attachement du parti à ses liens organiques avec le mouvement syndical. Jack Layton a écarté péremptoirement l'idée de prendre ses distances par rapport aux syndicats, et chez les militants, personne ne semblait enclin à rompre avec cette autre tradition. Une tradition, faut-il dire, qui remonte aux origines du parti, né il y a un demi-siècle d'une fusion du Congrès du travail du Canada et des coopératives agricoles des Prairies.

L'alliance entre le NPD et le mouvement syndical n'est pas simplement l'expression d'une sympathie mutuelle, comme c'est le cas au PQ, qui a toujours (quoiqu'avec des hauts et des bas) entretenu un «préjugé favorable» envers les syndicats. Il s'agit au contraire de liens organiques inscrits dans les structures mêmes du parti.

Le quart des délégués aux congrès néo-démocrates est composé de représentants des syndicats. Les orateurs-vedettes aux congrès sont, au même titre que les chefs des NPD provinciaux, les principales figures du mouvement syndical (dont cette année encore Ken Georgetti, le chef éternel du CTC).

Pour les campagnes électorales, les syndicats mettent leurs militants, leurs conseillers, leurs avocats, de même que leurs équipements logistiques, au service du NPD. Et le mouvement syndical a toujours été de très loin la principale source de financement du NPD, au mépris total de la démocratie syndicale (car ces largesses sont financées par les cotisations des membres de la base, qui ne sont pas tous néo-démocrates, tant s'en faut!).

La fontaine s'est tarie depuis la réforme de 2003 qui interdit aux personnes morales (aux syndicats autant qu'aux entreprises ou aux groupes de pression) de contribuer au financement des partis politiques, mais le NPD bénéficie toujours des contributions «en nature» (militants, services, etc.) du mouvement syndical.

Résultat: le NPD opte aveuglément pour la partie syndicale dans tous les conflits de travail. Son opposition farouche au libre-échange, dans les années 80-90, découlait directement du corporatisme syndical.

Jack Layton a d'ailleurs reconnu que le parti doit son récent succès à l'appui du mouvement syndical. Ce fut certainement le cas au Canada anglais, le reste pouvant être attribué à l'humeur fantasque des électeurs québécois.

Or, un parti qui veut former le prochain gouvernement peut-il être à la solde des syndicats? La question se pose.