À supposer que Thomas Mulcair ait encore l'intention de se porter candidat à la direction du Nouveau Parti démocratique, il aura toute une côte à monter.

Brian Topp, le seul candidat déclaré, à part Romeo Saganash dont la présence sera surtout symbolique, a pris dès le départ une avance quasiment insurmontable. Non seulement a-t-il été adoubé par Ed Broadbent, l'influent «elder statesman», il vient en outre de recevoir l'appui de l'ancien premier ministre saskatchewanais Roy Romanow. Un appui qui pèse lourd, car M. Romanow a laissé un bon souvenir comme premier ministre, et incarne l'aile modérée et pragmatique du parti.

Brian Qui? L'homme est un inconnu au Québec, mais pas au NPD, où il a milité toute sa vie et dont il a été élu président l'an dernier après avoir dirigé les récentes campagnes électorales du parti. C'était le conseiller principal et le confident de Jack Layton (on peut lire dans la section «chroniqueurs» de Cyberpresse le portrait que j'en faisais samedi dernier).

Par contraste, Thomas Mulcair, très visible au Québec, est un quasi-inconnu hors Québec, même s'il siège au parlement depuis quatre ans. Et il y a bien d'autres obstacles sur sa route.

La vague orange (limitée au Québec) n'a pas changé la structure fondamentale du NPD. Même si les Québécois représentent 60% de la députation, le Québec compte moins de 2% des membres du parti. Or, comme le prochain chef sera élu par les membres, tout candidat du Québec part avec un énorme handicap.

M. Mulcair, qui décidément ne doute de rien, a demandé au parti de lancer une campagne de recrutement au Québec pour égaliser les chances... Demande poliment rejetée pour l'excellente raison que cela aurait été du favoritisme. C'est aux candidats à la direction qu'il appartient de faire signer des cartes de membres.

Même si par miracle M. Mulcair réussissait à faire surgir des milliers de membres en règle au Québec, il ne serait pas pour autant au bout de ses peines.

Le NPD est un parti idéologique, où la tradition, la loyauté et les convictions sont des valeurs qui comptent. Face à M. Topp, un enfant du parti qui connaît le Canada sur le bout de des doigts (natif de Longueuil, il a travaillé à Ottawa, Regina, Vancouver et Toronto), M. Mulcair apparaîtrait comme un ancien libéral qui, ayant fait toute sa carrière au Québec, est peu familier avec le Canada anglais.

Or, c'est là, précisément, que le NPD devra aller chercher de nouveaux appuis s'il veut récolter une majorité. Il a fait le plein (plus que le plein!) au Québec, et devra désormais séduire les électeurs de l'Ontario et de l'Ouest, en ciblant, comme nous le disait M. Topp, entre 50 et 60 comtés actuellement détenus par le Parti conservateur.

Pour faire glisser des électeurs conservateurs dans l'escarcelle néo-démocrate, il faudra du doigté, de l'habileté tactique et une approche modérée. Or, M. Topp, stratège professionnel et homme pondéré, sera mieux placé pour ce délicat exercice que M. Mulcair, dont on connaît le caractère sanguin et impétueux.

L'un des atouts de M. Mulcair, dans une course à la direction, serait son impeccable bilinguisme, mais il se trouve que M. Topp a eu, lui aussi, une mère francophone... et qu'il parle bien français - beaucoup moins bien que Thomas Mulcair, mais beaucoup mieux que Jack Layton.

M. Mulcair n'est pas sans atout. Contrairement à M. Topp qui a toujours travaillé en coulisse et n'a jamais personnellement affronté l'épreuve du feu, M. Mulcair est un parlementaire d'expérience qui pourrait, dans un débat, dégager une image de dynamisme et de combativité. S'il saute dans l'arène, ce sera un beau combat.