«Jacques Duchesneau, l'homme qui n'a peur de rien», annonçait La Presse d'hier à la une, tandis que sa longue entrevue avec Michèle Ouimet était titrée : «Confidences d'un tough».

Un «tough», Jacques Duchesneau? Ce n'est pas mon impression. Je trouve au contraire que pour un ancien policier déterminé à pourchasser les bandits, il a l'épiderme bien sensible.

Il n'est pas encore remis de sa défaite aux élections municipales de 1998. Comme s'il était exceptionnel de perdre ses élections! J'ai suivi cette campagne-là, j'ai même voté pour M. Duchesneau. Ce dernier n'a pas été traîné dans la boue, il a été incapable de triompher de la puissante machine et du charisme de Pierre Bourque, voilà tout. Qu'il semble, 13 ans plus tard, sous le choc d'un syndrome post-traumatique, c'est franchement étonnant.

Tout comme le fait qu'il ait été incapable, après la tuerie de Poly, «de remettre les pieds  pendant cinq ou six ans à l'université (où il faisait un doctorat).» Ma foi, cet homme est plus fragile que les polytechniciennes de 20 ans qui, elles, sont bravement retournées en classe.

Comment un homme qui ose s'en prendre à la mafia peut-il se sentir «intimidé» par quelques journalistes? Certes, il a été accusé à tort de fraude électorale, mais il n'est pas la première personnalité publique à avoir été égratignée par les médias. Pourquoi cette agressivité envers Jean Lapierre, qui n'a eu que le tort de raconter qu'il avait joué au golf avec François Legault? M. Duchesneau réagit comme si Lapierre l'avait accusé d'être pédophile! Ma foi, serait-il paranoïaque?

Il prétend que s'il est allé à Tout le monde en parle avant de rendre compte aux élus de l'Assemblée nationale, c'était pour défendre la réputation des ingénieurs du ministère des Transports contre «les gens» qui avaient conclu, sur la base de son rapport, à leur incompétence. Pourtant, dans le flot de commentaires sur ce rapport, on n'a rien lu ni entendu de tel.

Accuser les journalistes d'avoir voulu «faire dérailler» son unité anti-collusion et y voir «un message» (de qui? de la mafia?), c'est du délire. Un journal a signalé qu'un de ses enquêteurs vit avec l'ex-femme de Tony Accurso, et M. Duchesneau s'indigne. Pourtant, dans le contexte, cette information était fort pertinente.

Cette attitude est d'autant plus incongrue que le rapport de M. Duchesneau n'est, en bonne partie, qu'une confirmation de ce qu'ont écrit les journalistes qui ont enquêté sur la corruption!

Son travail à peine amorcé, Monsieur Net annonce qu'il jette l'éponge, non sans préciser que l'Unité permanente anticorruption, «c'est pas fort». Peut-être a-t-il raison, mais ce coup de pied de l'âne à ceux qui continueront à faire le boulot manque singulièrement de classe.

M. Duchesneau aurait dû réfléchir avant d'accepter de donner une entrevue alors qu'il était au volant, sur la longue route du retour à Montréal, et ce, après une éprouvante journée à l'Assemblée nationale. S'il en a trop dit, il n'a qu'à s'en prendre à lui-même (incidemment, on aura appris que cet ex-policier parle au cellulaire en conduisant d'une seule main... bravo pour le respect de la loi!)

Ce n'est pas la première fois que M. Duchesneau manque de jugement. Comme le signalait hier Vincent Marissal, il ne lui appartenait pas de recommander le type de commission d'enquête qu'il fallait instituer, et comme il l'a fait, en plus, maladroitement, le gouvernement Charest y verra une autre échappatoire.

Le Québec a assez de problèmes avec la plaie de la corruption sans que son Grand Justicier se conduise en plus comme un canon sans amarre.