On cherche des idées pour promouvoir Montréal. J'en ai une. Une idée qui relèverait la visibilité de Montréal et attirerait des touristes intéressants et allumés - le genre de touristes qui n'hésitent pas à dépenser leurs sous dans des activités culturelles.

Pourquoi ne pas faire de Montréal, en toutes saisons, la ville du cinéma? Je ne parle pas d'un festival ici ou là, comme cela se fait déjà, d'ailleurs avec succès. Je parle d'une ville où pouvoirs publics, distributeurs et exploitants de salles commerciales se donneraient la main pour multiplier, hiver comme été, l'offre de cinéma de qualité.

Faisons d'abord un détour par Paris, qui est, on le sait, la capitale mondiale du cinéma. C'est là qu'on peut voir tous les films, des gros succès de box-office américains aux films d'art et d'essai, en passant par la floraison d'oeuvres formidables venues de pays comme la Roumanie, Israël, le Vietnam, l'Iran ou la Turquie, sans compter les rétrospectives qu'offrent les cinémas des environs de la Sorbonne : Kazan? Fellini? Buñuel? Cherchez et vous trouverez.

Bref, pour le cinéphile, Paris est une grande bonbonnière.

Revenons en Amérique. L'offre de cinéma - surtout du cinéma européen et international - est d'une pauvreté lamentable, même dans une métropole culturelle comme New York. On y voit très peu de films «étrangers», l'adjectif désignant tout ce qui n'est pas américain.

Or, Montréal se distingue déjà à ce chapitre. C'est la ville où la diversité, sur les écrans, est la plus grande, ne serait-ce que parce qu'il y a ici un gros marché pour le cinéma français. Montréal est la seule ville au monde où l'on peut voir les films américains dès leur sortie, en même temps qu'une floraison de films français et «internationaux». L'une des rares villes nord-américaines où l'on peut voir une partie de la production internationale qui ne fait pas les gros circuits.

Montréal a hérité de la légendaire tradition de l'ONF, pionnière du documentaire et du film d'animation. Les Montréalais sont des mordus du cinéma, qui ont vécu comme un deuil la fermeture partielle d'ExCentris. Avec une clientèle locale bilingue et culturellement diversifiée, Montréal est un lieu d'accueil unique pour le cinéma international.

Je propose qu'on se donne pour ambition de faire de Montréal la capitale nord-américaine du cinéma. Avec les festivals existants comme points d'ancrage, il faudrait multiplier les rétrospectives, généraliser l'usage des sous-titres (le doublage est une abomination pour les vrais amateurs de cinéma), et inciter les distributeurs à raccourcir les délais qui retardent la sortie des films non-américains... Bref, faire de Montréal l'équivalent nord-américain de Paris, l'endroit par excellence en Amérique où l'on pourrait voir, l'année durant, des films de qualité venus de partout.

Cela attirerait nombre d'Américains affamés de bon cinéma, de même que les Canadiens anglais (qui nous envient d'ailleurs nos cinéastes). Cela attirerait des touristes cultivés, et aurait des retombées dans les autres secteurs culturels, car les cinéphiles sont en général des gens qui aiment aller au musée, au théâtre, au concert, dans les galeries d'art, les restaurants et les boutiques de mode d'avant-garde.

On peut même songer à d'autres développements greffés à l'offre de cinéma. Pourquoi pas un département universitaire de cinématographie modelé sur celui de la New York University (où furent formés, entre autres, les frères Coen)? Pourquoi pas un programme pointu de formation en techniques du cinéma dans un ou deux cégeps montréalais?

Nous avons maintenant un Musée des Beaux-Arts magnifique dans ses nouveaux atours, une salle de concert de qualité, un quartier des spectacles agréable et animé... Le petit «plus» qui apporterait une spécificité à la ville, c'est un festival permanent de cinéma.