D'ordinaire, un parti se définit par ce qu'il est. Pas la CAQ, ce drôle d'oiseau qui vient de se poser dans notre caquetante volière politique.

Coalition Avenir Québec, loin de se définir par ce qu'elle est, se définit par ce qu'elle n'est pas. Elle est ni chair ni poisson, ni chèvre ni chou.

La CAQ, donc, n'est pas souverainiste. Elle n'est pas fédéraliste. Elle n'entend pas réformer le fédéralisme. Elle ne défendra pas non plus le fédéralisme tel qu'il existe. Elle ne parlera pas de la constitution. La CAQ flotte dans une sorte de vacuum, dans des limbes éthérés où se promènent des fantômes sans opinion sur des questions tout de même fondamentales... et qui un jour leur sauteront à la figure.

La CAQ n'est pas un parti de gauche. La CAQ n'est pas non plus un parti de droite.

Ce n'est pas un parti de gauche parce que son programme s'inspire de l'idéologie productiviste propre aux grandes corporations.

Pour François Legault, un gouvernement se dirige comme une entreprise. Même dans des secteurs complexes comme l'éducation ou les soins de santé, il jugera les professionnels en fonction de leur «productivité», comme naguère il évaluait les pilotes d'Air Transat selon leur capacité à faire atterrir leurs avions à l'heure et dans le bon aéroport.

Les enseignants seront mieux payés (primes au rendement!) s'ils produisent des élèves plus sérieux, les médecins seront mieux payés s'ils produisent des patients en meilleure santé, les hôpitaux seront récompensés s'ils traitent plus de gens, les universités seront mieux financées si elles ont plus d'étudiants... et tant pis pour les profs qui héritent de classes moins douées, tant pis pour les médecins qui voient trop de patients amochés, tant pis pour les hôpitaux pris avec des cas lourds, et tant pis pour les universités qui privilégient la qualité plutôt que la quantité.

La CAQ n'est pas de droite parce qu'elle fait l'impasse sur toutes les solutions proposées par le centre droit: elle veut sabrer dans le personnel d'Hydro-Québec mais s'abstient de proposer une mesure qui rapporterait plus d'argent dans les coffres tout en bénéficiant à l'environnement, soit la hausse des tarifs de l'électricité. De la même façon, elle s'abstient de réclamer une hausse plus forte des droits de scolarité universitaire, seule façon équitable de bonifier le financement des universités.

La CAQ logerait-elle à l'extrême centre? C'est manifestement le souhait de ses fondateurs, qui évitent soigneusement tout ce qui porterait le moindrement à controverse. L'élément le plus spectaculaire d'un programme maigre en idées et totalement dépourvu d'audace est l'abolition des commissions scolaires - une idée qui n'est vraiment impopulaire que chez les anglophones, ce qui, pour la CAQ, n'a pas d'importance parce qu'elle veut se donner une image nationaliste et que l'électorat qu'elle cible avant tout est celui du PQ.

Un parti caméléon sans idées maîtresses, sans ligne de fond, dont le programme, pour l'instant, est fait de brèves intentions tirées du catalogue des idées reçues, des idées que tous les autres partis pourraient faire leurs. Qui serait contre l'idée que chaque Québécois ait un médecin de famille? Que l'on mène la lutte au décrochage scolaire? Que l'on développe Montréal et les régions? Que l'on renforce la langue française?

La CAQ est un parti sans identité, sans personnalité autre que celle, débonnaire et sympathique, de François Legault.

Mais peut-être est-ce ce que souhaite l'électeur? Un parti-miroir, dépourvu d'aspérité, dans lequel il peut retrouver ses propres aspirations puisque la CAQ n'est encore qu'une surface vide, une sorte d'auberge espagnole où chacun apporte son lunch et son matelas.