Jean Charest n'a jamais eu l'art de la formule, mais c'est lui qui a visé le plus juste en disant que l'ADQ se fusionnait avec un sondage.

Effectivement, derrière la figure débonnaire de François Legault, la CAQ n'est encore, pour l'instant, qu'une coquille vide. Ce parti n'a pas de programme cohérent, aucun député élu sous sa bannière, aucun porte-parole d'envergure, et aucun candidat déclaré, sinon une poignée de députés péquistes néophytes que la trouille a jeté dans les bras de M. Legault.

La CAQ, enfin, n'a jamais fait ses preuves en dehors des sondages... lesquels, on devrait le savoir, n'enregistrent souvent que des foucades passagères.

En somme, la CAQ n'avait rien à offrir à l'ADQ, sinon la perspective aléatoire d'une victoire électorale. Si elle ne se produit pas, l'ADQ se sera suicidée pour rien.

Par contre, la fusion est une fort bonne affaire pour la CAQ. Elle lui apporte une base électorale dans quelques circonscriptions, une «dot» de 800 000$ par année en subventions et surtout, quatre députés aguerris et efficaces qui sont au surplus capables de faire une phrase complète en français, ce qui constituera une nouveauté fulgurante dans une formation jusqu'ici réduite aux bredouillements de MM. Legault et Sirois.

À la conférence de presse suivant ce mariage surréaliste entre un mirage et un parti politique qui, aussi faible fût-il, avait le mérite d'exister, on a pu voir la différence entre le chef adéquiste Gérard Deltell, qui sera le leader parlementaire de la CAQ, et le père fondateur de celle-ci.

M. Deltell s'exprimait clairement et avec assurance, tandis que M. Legault butait péniblement sur les mots et multipliait les fautes de langage.

C'est quelque chose qu'on ne remarquait guère tant que M. Legault était un simple ministre, mais chez un chef de parti, cela pourrait s'avérer un handicap majeur. On ne parle pas ici d'éloquence, encore moins de charisme, mais de la capacité de véhiculer une pensée de manière un tant soit peu cohérente. Des gens comme Gilles Duceppe, Jean Charest ou Pauline Marois sont loin d'être de grands orateurs, mais ils peuvent au moins s'exprimer clairement.

M. Legault n'étant pas élu, c'est de l'extérieur de l'Assemblée nationale qu'il devra diriger le parti. Cela ne sera pas facile. Même René Lévesque, entre 1970 et 1976, se faisait parfois éclipser par son aile parlementaire. Mais sa voix prédominait parce que c'était Lévesque. Or, François Legault n'est pas René Lévesque. Le bonhomme est sympathique et il respire la bonne volonté, mais il faut plus que cela pour devenir un vrai leader politique.

L'ADQ, malgré ses déboires électoraux, avait aussi la capacité d'amorcer des réflexions politiques et de définir des orientations cohérentes, alors que le programme de la CAQ, jusqu'à présent, n'est qu'un ramassis bâclé de projets improvisés et mal formulés, comme cette idée d'augmenter de 20% le salaire des enseignants méritants: a-t-on pensé à ce que cela entraînerait comme revendications dans la fonction publique? Pourquoi les enseignants et pas les infirmières, pour ne mentionner qu'elles?

Loin de vouloir «moins d'État», comme le proposait l'ADQ, M. Legault souhaite... «mieux d'État» (sic). Ce charabia signifie qu'au lieu de proposer, en comptable avisé, un dégraissage de la bureaucratie, M. Legault veut plutôt assouvir son appétit de pouvoir en mettant l'État à sa main et en intervenant jusque dans la Caisse de dépôt pour l'obliger à investir davantage au Québec - une intrusion politique intolérable et qui pourrait avoir des effets catastrophiques sur les revenus de retraite des Québécois. C'est de l'étatisme de matamore.