Prédiction pour 2012: un immense exode de chrétiens arabes. Cela nous concerne directement car le Canada sera une destination d'accueil, et ces migrants pourront réclamer, à bon droit, le statut de réfugié.

On estime que depuis mars dernier, quelque 95 000 d'entre eux ont quitté l'Égypte, chassés par les pogroms dont est victime la minorité copte, avec une violence redoublée depuis la chute de Moubarak.

C'est un cas particulièrement tragique de nettoyage ethnico-religieux, les 10 millions de coptes (10% de la population) constituant la plus ancienne communauté autochtone du pays, une communauté qui existait à l'ère pharaonique, des siècles avant la conquête arabo-musulmane.

Il n'y a aucun doute que la montée de l'islamisme radical en Égypte va accroître le nombre de réfugiés.

La communauté chrétienne irakienne, elle aussi enracinée depuis toujours sur cette terre, a déjà fondu de moitié. Les chrétiens étaient 1 million dans les années 90, mais 500 000 ont choisi l'exil à cause des violences sectaires qui ont suivi l'invasion américaine.

La prochaine vague de réfugiés viendra de Syrie, où les chrétiens sont au nombre de 850 000 (6% de la population). Cette minorité, active et prospère, a toujours vécu sous l'aile protectrice du régime alaouite, les dictatures du Proche-Orient ayant eu ceci de particulier qu'elles protégeaient les minorités religieuses, réservant leurs foudres aux islamistes militants. Quand les sunnites prendront le pouvoir en Syrie (ce n'est probablement qu'une question de temps), un autre exode est à prévoir car les rebelles sunnites ne cachent pas leur hostilité envers les chrétiens.

La montée de l'islamisme en Égypte était prévue. Ce qui ne l'était pas, c'était celle des salafistes, la minorité ultraradicale qui a recueilli 20% des voix aux dernières élections. Ils formeront une force politique avec laquelle tant les militaires que les Frères musulmans devront composer.

Certains de leurs chefs ont déjà révélé leurs couleurs.

Incroyable mais vrai, dans ce pays dont le tourisme est (ou plutôt était) la principale ressource, les salafistes en ont contre les vestiges pharaoniques, ces dynasties ayant le tort d'avoir existé avant la conquête arabo-musulmane. Bref, les pharaons étaient des mécréants dont les oeuvres sont suspectes. Pire, ce qui reste de leurs sculptures et de leurs monuments funéraires représente souvent des figures humaines, une forme d'art interdite par le Coran.

Il est donc question, dans les cercles salafistes, de recouvrir les monuments pharaoniens, et encore est-ce là une approche... modérée, comme s'en vantait récemment l'un de leurs chefs: Nous ne sommes pas des talibans, disait-il, faisant allusion au dynamitage des grands bouddhas pré-islamiques d'Afghanistan. Nous nous contenterons de les recouvrir de cire (sic).

Tant qu'à tout recouvrir, on recouvrira aussi d'étoffes les touristes féminines qui s'aventureraient à Giza et sur les rives du Nil: elles devront se camoufler de la tête aux pieds. On ne nous dit pas ce que l'on ferait du fabuleux patrimoine du musée du Caire, mais des fanatiques se sont fait la main en incendiant, le 17 décembre, la bibliothèque de l'Institut du Caire, fondé par Bonaparte, qui contenait plus de 200 000 manuscrits irremplaçables.

Il est probable que le nouveau régime résistera aux visées antipharaoniques des salafistes, tant est nécessaire la reprise du tourisme. Mais bon, cela illustre un état d'esprit.

L'obscurantisme a commencé à s'implanter. L'ancien ministre et chroniqueur Joseph Facal, habitué d'Alexandrie, rapporte que les hôtels de la ville ont cessé de diffuser CNN et TV5 au profit d'émissions religieuses.

Cette année, on pourra mieux mesurer l'ampleur et la nature de la montée islamiste, une fois les élections terminées et une nouvelle constitution élaborée.

Les salafistes en ont contre les vestiges de l'ère pharaonique, ces dynasties ayant le tort d'avoir existé avant la conquête arabo-musulmane.