Elle est jeune, vive et jolie, sans prétention. Elle parle en termes simples - pas de langue de bois ni de maniérisme. Et elle crève l'écran de la télévision, propulsant un parti naguère infréquentable aux premiers rangs de la campagne présidentielle française.

C'est l'effet Marine, du nom de la fille cadette de Jean-Marie Le Pen. En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi à abattre le Front national en subtilisant une bonne partie de son électorat. Mais c'était à l'époque du père, classé antisémite, archaïque et grognon. Maintenant, c'est la fille qui préside le parti, qu'elle a transformé en organisation moderne, toujours populiste mais moins provocatrice.

Le même parti, donc, avec, grosso modo, les mêmes idées. Le FN reste une formation d'extrême droite, xénophobe et anti-européenne. Mais voilà, ces idées se sont banalisées, à la fois grâce à l'habileté politique de Marine Le Pen, et parce que l'UMP de Nicolas Sarkozy, menacée sur son flanc droit, joue sur les mêmes thèmes, notamment la sécurité et l'immigration.

Comme un coup de massue, un sondage Ifop montrait récemment que Marine Le Pen, dépassant la barre fatidique des 20%, talonne maintenant de deux points seulement Nicolas Sarkozy (23%); le candidat socialiste François Hollande ne la devance que par six points, tandis que François Bayrou, le candidat centriste qui prend des voix tant à droite qu'à gauche, et qui vient tout juste de faire son entrée dans la campagne, est déjà rendu à 12%.

La montée fulgurante des deux outsiders laisse entrevoir un incroyable scénario: que la bataille définitive du second tour mette en scène Marine Le Pen et François Bayrou, laissant sur le carreau les deux «gros candidats» de l'establishment politique.

Plus vraisemblable est un scénario rappelant le choc de 2002, alors que la division de la gauche, causant la défaite de Lionel Jospin, avait permis à Jean-Marie Le Pen de se hisser au second tour face à Jacques Chirac. Ainsi, le dernier match se jouerait entre Marine Le Pen et soit M. Sarkozy, soit M. Hollande. La dernière hypothèse est la plus vraisemblable, quoique la campagne poussive et gaffeuse du candidat du PS, conjuguée à la montée de M. Bayrou, pourrait au final favoriser le président sortant.

C'est surtout chez les ouvriers (traditionnellement de gauche) et les commerçants (traditionnellement de droite) que Marine Le Pen fait un malheur, avec 39% d'appuis, alors que 24% choisissent M. Hollande et 16% M. Sarkozy. Seulement 6% de l'électorat ouvrier opte pour le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, une coalition qui inclue notamment ce qui reste du Parti communiste, naguère le champion par excellence de la classe ouvrière.

Autre phénomène troublant, selon TNS-Soffres, près du tiers des Français (31%) sont d'accord avec les idées du FN: 66% trouvent que «la justice n'est pas assez sévère avec les petits délinquants», 63% qu'on «ne défend pas assez les valeurs traditionnelles», 51% qu' «il y a trop d'immigrés» et qu' «on accorde trop de droits à l'islam et aux musulmans»... et 30% voudraient, comme le propose le FN, abandonner l'euro pour revenir au franc!

Le boulet qui pèse sur sa campagne est que la candidate frontiste peine à recueillir les 500 signatures d'élus requises pour légaliser une candidature à la présidentielle. Tant le PS que l'UMP supplient leurs élus régionaux de «signer» (ce qui n'est pas «endosser», précise-t-on) car compte tenu de ses appuis dans la population, ce serait un énorme scandale si sa candidature se trouvait torpillée par les notables des grands partis.