Le pire danger qui plane sur Israël ne vient pas de l'Iran, dont les menaces d'attaque nucléaire ne sont peut-être que des rodomontades; ni même de la vague islamiste radicale, par définition férocement judéophobe, qui est en train de submerger ses voisins arabes.

C'est de l'intérieur du pays que vient le pire danger. Par leur fanatisme qui n'a rien à envier à celui des intégristes musulmans, les ultraorthodoxes juifs sont en train de saper la vitalité démocratique du pays.

Il y a quelques années, on pouvait voir cette communauté comme un agglomérat de sectes qui, pour embêtantes qu'elles fussent (certaines ne reconnaissent même pas la légitimité de l'État d'Israël), restaient assez marginales.

Ce n'est plus le cas. Grâce à leur natalité galopante, ils sont maintenant un million... sur une population de moins de huit millions d'habitants.

La force du nombre, qui se manifeste très pesamment dans les quartiers de Jérusalem où ils sont devenus majoritaires, les pousse maintenant à imposer leur loi de manière de plus en plus agressive.

Les «haredim» (littéralement, les «craignant Dieu») agressent verbalement les femmes vêtues de manière «impudique», y compris les petites filles. Non contents d'avoir forcé la municipalité à leur octroyer des autobus ségrégués (les femmes derrière), ils voudraient que les transports publics soient interdits le jour du sabbat à Tel-Aviv, la métropole hédoniste et intensément laïque.

Dans des élans comparables à ceux des salafistes égyptiens qui voudraient recouvrir de cire les vestiges pharaoniques parce que ces oeuvres préislamiques sont à leurs yeux sacrilège, les haredim de Jérusalem ont détruit nombre d'affiches où apparaissaient des figures féminines - le corps de la femme étant, pour eux comme pour tous les intégristes du monde, le symbole même du mal.

Les femmes haredi ne sont pas voilées mais une fois mariées, elles doivent se raser la tête, une aubaine pour l'industrie des perruques; et leurs maris, outre qu'ils ne doivent jamais serrer la main d'une autre femme ou la regarder dans les yeux, ne doivent pas toucher aux leurs durant la période des menstruations.

Pour la majorité laïque ou modérée, le problème des haredim n'est pas qu'une affaire de harcèlement. Les hommes de ces communautés, qui se vouent à l'étude des textes sacrés, vivent aux crochets de la société... et de leurs épouses, qui prennent souvent de petits emplois de subsistance.

Pire, leurs enfants ont le droit d'échapper au service militaire auquel sont astreints tous les jeunes Israéliens. Et si, par diverses politiques incitatives, un petit nombre de haredim consent à servir dans l'armée, cela engendre d'autres problèmes parce qu'ils ne tolèrent pas la mixité...

La situation est devenue intolérable pour la plupart des Israéliens, d'autant plus que le pays souffre des soubresauts de la crise financière mondiale. Qui veut que ses impôts servent à faire vivre des centaines de milliers d'hommes enfermés dans leurs yeshivas?

Si les haredim ont pu bénéficier d'un tel statut d'exception, c'est d'abord à cause du système de représentation proportionnelle pure, conçu dans l'idéalisme des débuts de l'État hébreu. Ce système n'engendre que des gouvernements de coalition, d'où le pouvoir démesuré dont jouissent les petits partis extrémistes, en particulier sur les gouvernements de droite. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou doit composer avec eux.

Le fléau de la «proportionnelle pure» est à la source de bien d'autres problèmes - dont la résistance victorieuse du camp des colons à l'arrêt des implantations dans les territoires palestiniens.

Hélas, il est virtuellement impossible de changer le système politique. Le seul espoir est qu'une majorité israélienne envoie au pouvoir un parti capable de former une majorité indépendante des groupes religieux.