En ce 8 mars 2012, le monde des femmes est coupé en deux.

D'un côté, les Occidentales, qui poursuivent leurs fulgurantes avancées, au point où l'on commence maintenant à s'inquiéter de l'avenir des garçons.

De l'autre, des millions de femmes maintenues dans l'ignorance, la pauvreté et l'oppression, notamment dans le tiers-monde subsaharien et dans le monde musulman.

En Afrique noire, en particulier dans les pays musulmans, la situation des femmes n'a pas changé. Cela est désespérant, mais moins désespérant que le recul que l'on constate dans le monde arabe. Car là, non seulement il n'y a pas progrès, il y a recul.

Pour les naïfs qui croyaient que le Printemps arabe annonçait une ère de liberté pour les femmes autant que pour les hommes, la déception a été brutale.

En Tunisie, la «révolution du jasmin» a mené au pouvoir un parti islamiste qui, tout modéré soit-il par rapport au salafisme ou au talibanisme, fera reculer les droits des Tunisiennes... lesquelles étaient, sous le régime corrompu, mais laïc de Ben Ali, les plus émancipées du monde arabe et dont le statut, au moins dans les villes, était assez comparable à celui des Françaises.

Déjà, sous la pression sociale, le voile est revenu en force, même dans les milieux éduqués. On introduira des éléments de la charia dans la constitution. À l'Université de la Manouba, les salafistes, minoritaires, mais très actifs, veulent imposer le niqab. Ils viennent de limoger la jeune femme qui dirigeait la radio étudiante parce qu'«une femme n'a pas la capacité intellectuelle» pour cette fonction.

Dans la Libye «libérée», où la dictature de Kadhafi avait au moins ceci de positif que les femmes jouissaient de l'égalité des droits, la première initiative du nouveau gouvernement a été d'annoncer le retour intégral de la charia: mariages forcés, répudiation de l'épouse, polygamie, partage inégal de l'héritage, exclusion des femmes de la sphère sociale.

Touche d'ironie involontaire, un porte-parole du Conseil national de transition libyen a déclaré que la réislamisation du pays se ferait de façon modérée: au lieu de lapider les femmes adultères, on les emprisonnera...

C'est en Égypte que la répression des femmes a été la plus violente. Le nouveau parlement ne compte que 10 femmes sur 508 députés (54 de moins que sous Moubarak), mais il y a pire que la sous-représentation politique.

On a tous vu, en décembre dernier, la terrible vidéo de la jeune fille au soutien-gorge bleu sur laquelle s'acharnait un groupe de militaires casqués et armés de bâtons. La pauvre s'était vêtue d'une longue robe noire, mais les policiers l'avaient déshabillée avant de la frapper. De quoi était-elle coupable? D'être une femme ayant osé participer à une manifestation contre le régime.

Le 8 mars 2011, un mois après la «révolution» de la place Tahrir, quelques centaines de femmes ont organisé une marche pour fêter la Journée des femmes. Tout au long du parcours, elles ont été copieusement insultées par des hommes qui les sommaient de rentrer au foyer.

Le lendemain, après un sit-in où participaient aussi des hommes, les militaires ont réservé un traitement spécial aux femmes qu'ils avaient arrêtées.

Elles ont été emmenées dans un local du musée national qui borde la place, et ont été battues et torturées avec des électrodes... après quoi elles furent transférées dans une prison militaire où un médecin (masculin) leur a fait passer le «test de virginité» en vérifiant avec ses doigts si leur hymen était intact.

Cela en 2012, dans l'une des plus grandes métropoles du monde!