Imaginez un animateur de radio qui traiterait en ondes une chanteuse de grosse truie. Maxime Roberge, animateur de l'émission du matin de la chaîne RockDétente au Saguenay, a trouvé des termes moins obligeants encore pour décrire Coeur de pirate, dimanche, sur le site de microblogage Twitter.

Ce jeune amateur de calembours s'est servi d'un mot québécois «pure laine», rimant avec «hotte», pour rebaptiser en direct la lauréate du Félix de l'artiste s'étant le plus illustrée à l'extérieur du Québec, pendant le gala de l'ADISQ. Une fois n'étant pas coutume, dans un second tweet, il a ajouté à ce nouveau sobriquet l'adjectif «sale». Édifiant.

L'épithète injurieuse, vulgaire à plus d'un titre et machiste à en redéfinir le terme, a fait le tour des réseaux sociaux en moins de temps qu'il n'en faut pour franciser l'expression #FAIL. Et malgré de plates excuses diffusées dès le lendemain matin sur son compte Twitter, Maxime Roberge a été congédié par Astral Media en fin de journée lundi.

Le «cas Roberge» est, à ma connaissance, le premier du genre au Québec. Aux États-Unis, quelques journalistes et animateurs ont été réprimandés, suspendus ou remerciés au cours des derniers mois, pour des déclarations jugées inopportunes sur des réseaux sociaux. En juillet, une correspondante de CNN, Octavia Nasr, a été congédiée pour avoir déclaré sur Twitter être attristée par la mort d'un leader du Hezbollah.

Il n'y a pas longtemps, avant l'émergence des médias sociaux, les propos misogynes de Maxime Roberge auraient pu s'avérer sans conséquence. Déclarations obscènes destinées en privé à un groupe de collègues, autour de la machine à café du bureau. L'animateur n'avait qu'une poignée d'abonnés sur Twitter, ce qui a pu lui donner la fausse impression de ne s'adresser qu'à «sa gang». Il aurait pourtant dû savoir que tout ce qui est inscrit sur le web est pratiquement indélébile (à ne pas confondre avec «débile») et que Twitter est un espace public.

Maxime Roberge a eu beau essayer d'effacer toute trace de ses tweets diffamatoires dimanche soir, le mal était fait, sa réputation ternie, son job en péril. C'est à se demander d'ailleurs s'il ne l'a pas fait exprès. Un acte manqué? Comment expliquer autrement que ce sordide plaisantin ait ajouté le mot-clé #adisq à ses messages, s'assurant d'être lu instantanément par des milliers d'utilisateurs de Twitter (j'en suis)?

Qu'importe. L'exemple de Roberge est l'illustration éloquente d'un phénomène qui dépasse largement la turpitude d'un animateur écervelé ayant peut-être cru pouvoir s'en tirer à bon compte en avouant, toujours sur Twitter, que «cette mauvaise blague gratuite et déplacée a dépassé ma véritable pensée». À ce qu'on peut deviner de sa pensée, on n'en doute pas une seconde.

Je ne parle pas ici que de la responsabilité professionnelle de représentants de médias dûment accrédités. Je parle de civilité, de savoir-vivre, de respect: concepts qui - on me traitera de vieux jeu - ne semblent plus avoir droit de cité en cette ère de la communication instantanée. Je parle de vulgarité au sens propre. Celle du quidam qui traite son prochain de nazi autant que celle de l'animateur de radio qui se pelote de son insignifiance.

Il y a une semaine, je suis tombé sur un texte d'une détonante bêtise, publié sur le site web du pourtant respectable magazine Urbania. L'auteur Edouard H. Bond, romancier qui sévit sur plusieurs blogues bien branchés sous différents pseudonymes, y faisait du style caustique et irrévérencieux typiquement «Y.2.0» (profusion de «je», de mots anglais pis de fucking expressions dans l'air du temps) en se servant des cadavres encore frais de trois jeunes graffiteurs happés par un train. J'ai vomi dans la nuit. Ce n'est pas une image.

Ce texte odieux a rapidement été retiré du site d'Urbania, où l'auteur a offert ses excuses. Ses paroles, je présume, avaient dépassé sa pensée.

Un Goncourt de réparation

On dit que La carte et le territoire de Michel Houellebecq méritait le Goncourt. Je n'en sais rien. J'ai vu Baise-moi (un film atroce), mais je n'ai jamais lu un roman de Virginie Despentes, qui était la plus sérieuse rivale de Houellebecq. La carte et le territoire est un très bon roman, d'une écriture limpide. Il s'agit sans doute du plus «aimable» des romans de Michel Houellebecq. Son meilleur? Je ne suis pas critique littéraire, mais à mon sens, Les particules élémentaires était supérieur. Le roman avait raté le Goncourt en 1998, pour des considérations n'ayant pas toutes à voir avec la littérature. L'honneur est sauf avec ce Goncourt qui vient en quelque sorte réparer une erreur historique. C'est aussi souvent ça, les prix, non?