Certains des arguments semblent redondants. Vieilles rengaines de disques rayés. L'idée, par exemple, que les médias sont responsables du manque d'intérêt des jeunes pour la littérature québécoise.

On ne s'intéresse sans doute pas assez à la littérature dans les médias québécois. À preuve, il n'y a plus une seule émission de télévision qui s'y consacre. Mais les médias ont le dos large, il me semble, lorsqu'il est question du livre.

Le ton de l'essai tend parfois à la victimisation. Des auteurs, surtout, qui auraient intérêt à ce que leurs livres se retrouvent au programme des cours de français des cégeps et des écoles secondaires. Pas seulement pour le bien de la littérature...

Sur le fond, en revanche, je suis bien d'accord avec ce Plaidoyer pour l'enseignement d'une littérature nationale: la littérature québécoise! qui vient de paraître chez Fides. Avec cet ouvrage collectif, dirigé par Arlette Pilote, l'Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) souhaite lancer un débat sur la faible représentation de la littérature québécoise dans l'enseignement du français.

Dans les écoles secondaires du Québec, on estime que les oeuvres québécoises représentent environ la moitié de l'ensemble de celles qui sont enseignées. Mais aucun corpus littéraire général n'encadre cet enseignement. Les histoires de vampires (traduites) de Stephenie Meyer côtoient les romans de Marc Lévy et l'Odyssée d'Homère. La littérature québécoise reste le «parent pauvre».

«Comment accepter que de jeunes Québécois puissent entrer dans nos universités sans même avoir lu une oeuvre d'Anne Hébert, de Réjean Ducharme ou de Michel Tremblay?», demande Arlette Pilote, spécialiste de littérature et de pédagogie, dans l'introduction de ce Plaidoyer.

Une partie de la réponse se trouve, à mon sens, dans notre complaisance. Devant de jeunes lecteurs récalcitrants, nous avons collectivement baissé les bras. De crainte que le livre ne soit perçu comme rébarbatif, avec l'objectif louable de «donner le goût de la lecture» aux jeunes, afin qu'ils y «trouvent du plaisir», nous avons négligé la littérature québécoise.

Je dis «nous» parce qu'il est trop facile de jeter la pierre aux professeurs de français. Devant la lassitude de certains de leurs élèves, ils ont dû choisir leurs combats. On les comprend. Il reste qu'enseigner et transmettre la littérature québécoise devrait être un devoir. Comme celui d'enseigner l'histoire, la géographie ou les mathématiques. Or, on traite trop souvent la littérature au Québec de manière désinvolte, avec les résultats que l'on sait.

L'école doit guider. Pour que les élèves ne choisissent pas leurs livres à la bibliothèque au (petit) nombre de pages ou à la couleur de la couverture. Comment faire? En étant exigeants. En suscitant l'intérêt, soit, mais en cultivant l'effort. Parce qu'une oeuvre forte sera toujours plus prégnante qu'un livre fait de calories vides. Un roman difficile, même s'il n'est pas compris, laisse une impression. Il sème la graine de la curiosité. C'est l'essentiel.

On ne convaincra jamais personne de la nécessité de lire, et de découvrir la littérature québécoise, avec un corpus mièvre. On ne transmet pas de bonnes habitudes alimentaires en nourrissant nos enfants de pop-corn. Leur menu littéraire devrait aussi être chargé de fruits et de légumes.

L'UNEQ réclame un enseignement plus large et plus systématique de la littérature québécoise. Soit. Mais qu'entend-elle par «littérature nationale»? S'il s'agit des romans du terroir médiocres que l'on a voulu enfoncer dans la gorge de ma génération au cégep, non merci.

On a tenté, par le passé, d'établir un corpus littéraire commun à l'enseignement du français dans les écoles. Sans succès. Notre littérature connaît pourtant ses classiques.

Prochain épisode, d'Hubert Aquin, est peut-être opaque pour un étudiant de troisième secondaire, mais c'est un roman incontournable de notre littérature. La première fois que j'ai lu L'avalée des avalées, à 13 ou 14 ans, je n'en ai certainement pas saisi toutes les subtilités, mais il m'en est resté un goût, une curiosité du roman.

Bien des professeurs essaient d'intéresser leurs élèves aux mots de Réjean Ducharme, Anne Hébert, Marie-Claire Blais, Gaston Miron ou autres Nicolas Dickner. Collectivement, nous devrions leur emboîter le pas. En exigeant du ministère de l'Éducation un corpus littéraire digne de ce nom.