Spectre de corruption à faire disparaître, structure administrative à revoir, plan de transport intégré à repenser... La liste des gros problèmes que doit régler Montréal est longue et ardue. En attendant, pourquoi ne pas commencer par de petites choses, de petites transformations peu coûteuses qui peuvent, dès à présent, changer le visage de la ville ? Pendant la campagne électorale municipale, notre chroniqueuse Marie-Claude Lortie rencontre des Montréalais amoureux de leur métropole. Aujourd'hui, le restaurateur Louis-François Marcotte.

«Pour être rentable, faudrait pas que le loyer dépasse plus de 10 % du chiffre d'affaires, ce qui veut dire qu'il faudrait qu'il soit de... Combien de pieds carrés tu penses que ça a cet espace-là ?»

 

Je suis dans la voiture du chef et restaurateur Louis-François Marcotte et sa calculatrice mentale fonctionne à 100 à l'heure. On revient du mont Royal, où on est allés prendre des photos et d'où celui qui est derrière les restaurants Local et Simpléchic et la série de télé Le goût de Louis a admiré le panorama de la ville et l'immensité du vieux chalet de pierre. Et maintenant, il s'amuse à réfléchir tout haut à un projet fou qu'aucun restaurateur montréalais n'a encore réussi à piloter : ouvrir un beau et forcément grand restaurant au sommet de la montagne, dans cet énorme bâtiment actuellement presque totalement vide où, quel gâchis ! seules quelques machines distributrices veillent sur l'appétit des très nombreux visiteurs.

Idée folle ?

Pas nécessairement. Les beaux restaurants dans les grands parcs existent partout au monde, en commençant par Tavern on the Green à Central Park.

Et puis, parfois, il faut être un peu fou pour bâtir l'originalité d'une ville. Imaginez ceux qui ont pensé d'abord à construire la tour Eiffel à Paris, et ensuite à aller y suspendre un très chic restaurant, le Jules-Verne, aujourd'hui piloté par le célébrissime chef Alain Ducasse...

Ouvrir des restaurants audacieux, pas nécessairement chics et chers, mais plutôt créatifs et allumés, dans des lieux montréalais autrement habités par des casse-croûte médiocres fait partie des suggestions simples que Marcotte lance pour renouveler Montréal.

«La bouffe, c'est ce qui met de la vie dans une ville», lance-t-il. «On pense que Montréal a plein de restaurants et de cafés, mais y en a-t-il tant que ça, de vrais bons cafés ?» demande-t-il. En me parlant, il fait signe à un des serveurs du Local de préparer un espresso, qui revient, ultraserré, et dont l'écume dorée, la «crema», est onctueuse comme de la chantilly. «Regarde ça», lance-t-il, admiratif, avant de prendre une gorgée.

«Ça prend des meilleurs cafés, ça prend de la bouffe de rue. Tu goûtes la vie dans la rue, dit le chef. Et évidemment, ça permet de mettre de l'avant toutes les différentes cultures»

L'appel est donc lancé à tous. Montréal doit aller plus loin côté restos. Cafés, petites adresses, cantines mobiles, projets inusités, dans des lieux hors des sentiers battus... L'invitation s'adresse aux entrepreneurs comme aux administrateurs des différents ordres gouvernementaux (même Ottawa est visé puisque certains jolis espaces montréalais sur le bord de l'eau notamment, où pourraient s'installer de nouveaux casse-croûte, sont de compétence fédérale). Oui, il faut des gens avec des projets allumés. Mais aussi des gouvernements qui acceptent de les aider. Le projet du mont Royal en est un bel exemple. Sans vraie volonté de la Ville de transformer le chalet en bon restaurant, le projet peut difficilement marcher. Par contre, note-t-il, si le projet fonctionne, c'est toute la vie du parc qui en profite. Un bon café, une bonne soupe, un bon repas... «Faudrait que ça devienne une destination. »

C'est un projet compliqué, note-t-il. «Mais avec un peu de guts...»

Récemment, il a envisagé d'acheter un casse-croûte près de chez lui, à Lachine, où il aurait préparé de la bouffe minute de bonne qualité et pas trop chère. Et cela, à proximité de la piste cyclable du canal Lachine, qui manque désespérément de (bons) arrêts repas. Le projet n'a pas marché, mais l'idée demeure.

Évidemment, explique le restaurateur, il faut être prudent. La clientèle qui fait vivre grassement les kiosques à hot-dogs de la ville n'est pas nécessairement prête, demain matin, à doubler son budget lunch pour acheter des sandwichs au pain bio et aux tomates ancestrales.

Mais d'un autre côté, on peut aussi constater qu'il y a des gens prêts à payer le prix qu'il faut quand la nourriture est réellement bien faite. Le Local, Le Pied de cochon ou chez Olive " Gourmando, par exemple, sont des restaurants qui ont pris soin de bien recréer et de réellement, savoureusement, améliorer bien des plats traditionnellement payés peu cher (par exemple le sandwich ou la poutine) et peuvent maintenant se permettre de les offrir à un prix plus élevé. Qui aurait cru, il y a 10 ans, qu'on vendrait un jour à Montréal de la poutine à 23 $ et que cela marcherait à fond !

«Mais les gens boivent quand même beaucoup de café Tim Hortons, constate le chef. C'est ça que j'aimerais qui change à Montréal.»